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L’ANGLETERRE DEPUIS LA RÉFORME.

en même temps sa position politique. Les abbés mitrés ayant cessé de paraître au parlement où, réunis aux évêques, ils opposaient une majorité constante aux pairs temporels, ceux-ci se trouvèrent dominer sans contrôle la chambre haute, où le rôle du banc ecclésiastique devint dès-lors très secondaire et très effacé.

Ainsi s’élevèrent au XVIe siècle, gorgées des dépouilles catholiques, ces familles nouvelles d’où sort presque en entier la pairie moderne d’Angleterre ; ainsi se forma une masse d’intérêts nouveaux placés par leur origine même au service de passions inexorables.

On s’aperçut bientôt que l’égoïsme avait réveillé quelque courage au sein des classes élevées de la nation, et que la bassesse aurait désormais certaines limites.

Lorsque la majorité du peuple, encore fidèle à sa vieille foi, eut élevé au trône, au milieu des acclamations les plus vives, la fille déclarée illégitime de Catherine d’Aragon, le parlement qui avait rendu des lois de sang sous Henri VIII et sous Edouard VI, qui fût demeuré protestant sous Jeanne Gray, n’hésita pas à se déclarer catholique sous la catholique Marie. Il remit dès l’abord en vigueur, et sans en être requis, les lois les plus terribles contre l’hérésie. Ceci ne touchait, en réalité, qu’à la vie des hommes assez imprudens pour professer des doctrines autres que celles du pouvoir. Mais lorsqu’il fallut régler les effets civils de la suprématie pontificale, l’opposition se montra, les résistances s’organisèrent, et l’aristocratie parut retrouver une énergie depuis si long-temps perdue. C’est que derrière cette suprématie se cachait la question des biens ecclésiastiques ; or, tant que cette question ne fut pas réglée à la satisfaction de ceux qu’elle touchait si directement, on se montra intraitable sur les autres. Marie comprit cette fois les nécessités de sa position ; elle transigea sur les intérêts, assurée d’avoir bon marché du reste. Alors, le cœur libre de tous soucis, son parlement reçut à deux genoux la solennelle absolution donnée par le pape au royaume d’Angleterre, et les deux chambres revinrent à leurs habitudes d’obséquieuse déférence, dont ne les firent dévier ni les mauvais succès de la politique royale, ni les cris des victimes expirant dans les flammes de Smithfield.

Mais l’œuvre de la triste Marie ne devait pas lui survivre, et des intérêts tout différens se montraient déjà de toutes parts autour de ce trône sans héritier. Le parti protestant avait acquis sous Henri VIII et sous son fils cette force que le pouvoir départit toujours aux opinions qu’il embrasse ; il avait conquis sous Marie cette sanction que