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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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30 septembre 1838.


Nous savions, depuis quelques jours, que M. Louis Bonaparte s’était adressé à M. Morier, ministre d’Angleterre en Suisse, pour obtenir un passeport. Nous ne savons quelle a été la réponse de ce diplomate ; l’alien bill n’étant plus en vigueur en Angleterre, nous ne pensons pas que M. Louis Bonaparte ait éprouvé un refus, s’il a demandé un passeport sous son nom. Quoi qu’il en soit, M. Louis Bonaparte vient d’écrire au président du petit conseil de Thurgovie, une lettre qui est, selon le Courrier Français, un modèle de dignité, de véritable grandeur et de modération. Cette lettre dit en substance que le gouvernement français ayant déclaré que le refus de la diète d’obtempérer à sa demande serait le signal d’une conflagration dont la Suisse pourrait être victime, il ne reste plus à M. Louis Bonaparte qu’à s’éloigner, et qu’il partira dès que le landamman aura obtenu, des ambassadeurs des différentes puissances, les passeports qui lui sont nécessaires. M. Louis Bonaparte termine en disant qu’il espère retrouver l’asile où vingt ans de séjour et des droits acquis lui avaient créé une seconde patrie. Peu de jours après, M. Louis Bonaparte a renvoyé au conseil de Thurgovie ses lettres de bourgeoisie, et s’est éloigné de la Suisse.

Tant que la discussion a été tenable, M. Louis Bonaparte a mis en avant sa petite commune d’Oberstrass et son petit canton de Thurgovie, et les a laissé vaillamment soutenir, à outrance, qu’il est Suisse, Thurgovien, paisible citoyen de ces montagnes où la persécution de la France, venait le relancer. Il y avait, il est vrai, une certaine formalité à remplir. Il fallait accéder à un certain article 25 de la constitution de Thurgovie, renoncer à sa nationalité antérieure avant que d’en revêtir une autre. M. Louis Bonaparte s’en est bien gardé. Il a laissé les députés à la diète réclamer cette mesure, et il a si bien fait, dans le petit canton où le protégeaient les souvenirs de sa mère, que l’article 25 a été passé sous silence dans la délibération du conseil, et qu’il a été déclaré citoyen en dépit d’une constitution cantonale, chose ordinairement si respectée en Suisse. Il est vrai qu’il n’est pas bien difficile de per-