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Qu’il y ait eu quelque chose de plus ; que ces vœux soient arrivés jusqu’au gouvernement français ; qu’au milieu des guerres anarchiques et cruelles dont le Mexique a été si fréquemment le théâtre depuis son émancipation, le parti français ait tenté d’ouvrir des négociations éventuelles, de former des intelligences à Paris, c’est ce que je croirais volontiers. Mais je sais que jamais on ne s’est laissé éblouir ici par l’attrait d’une couronne au-delà de l’Océan, et que jamais on n’a donné le moindre encouragement aux flatteuses illusions de ceux qui, sans avoir mission de l’offrir, pensaient que ce ne serait pas une conquête difficile pour un prince français. Le prince de Joinville est allé chercher de la gloire et des dangers, sous les formidables remparts de Saint-Jean d’Ulloa, si la résistance obstinée que semble annoncer le discours du président Bustamente au congrès, nous force à faire jouer le canon : voilà tout. C’est un jeune officier de marine et non un prétendant que l’amiral Baudin a sur son escadre. Si l’Angleterre a feint d’en être inquiète, on a dû la rassurer, et je ne doute pas que ses soupçons ne se soient bientôt dissipés.

Les appréhensions qu’on témoigne de l’autre côté du détroit, les mesquines jalousies que l’on essaie de réveiller, les prétendues raisons qu’on allègue contre notre droit, les apologies que l’on présente du gouvernement mexicain, tout dans cette polémique est donc également injuste, maladroit, dénué de sens et de fondement. Mais cela prouve, monsieur, qu’il faut jouer serré avec nos voisins. C’est chez eux cependant que l’on a très bien résumé, dans les quelques lignes suivantes, la situation respective des parties intéressées. « Les Mexicains se sont habitués à croire qu’ils pouvaient impunément opprimer et voler les sujets des plus puissans états, dans la supposition que si l’Angleterre, ou la France, ou l’union de l’Amérique du Nord, finissaient par leur demander compte de leurs méfaits, il y aurait au moins une de ces trois puissances qui interviendrait en leur faveur. Ce calcul sera déjoué, il faut l’espérer ; et nous n’irons pas nous brouiller avec la France pour défendre, contre elle, la cause du Mexique, ses extorsions et ses perfidies, comme si nous étions jaloux de lui voir énergiquement venger les droits méconnus de ses enfans, tandis que les nôtres sont négligés par lord Palmerston. »

Un dernier mot là-dessus. Je n’adopte pas l’accusation portée ici contre lord Palmerston, et la tiens pour fausse de tous points. Mais, je le répète cette fois encore, l’Europe entière est intéressée à ce que la France obtienne enfin justice du Mexique, et le commerce anglais, auquel le nôtre ne dispute point la prééminence en Amérique, y gagnera une sécurité, une liberté de développement dont nous ne lui envierons pas le bienfait.


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F. Buloz.