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REVUE. — CHRONIQUE.

de Liverpool et de Bristol ; elle n’a pas à consulter les convenances de la cité de Londres, et les représentations qu’on pourrait lui adresser au nom du commerce britannique ont un grave inconvénient : c’est d’encourager les Mexicains dans une résistance qui nous imposera sans doute de nouveaux sacrifices, mais dont il faudra bien que la France vienne à bout, puisque son honneur y est décidément engagé. On n’a pas l’air de s’en douter à Londres, quoique ce soit une conséquence toute simple de l’intérêt que l’Angleterre semblerait prendre à la querelle, et de la partialité qu’elle témoignerait en faveur du Mexique. À Londres, on raisonne autrement ; on invoque les droits des neutres, qui, dit-on, souffrent davantage d’un blocus que l’ennemi lui-même. Mais, de bonne foi, qui a moins respecté les droits des neutres que l’Angleterre, et qui, au contraire, les a plus constamment défendus que la France ? Aujourd’hui, ces droits sont-ils lésés par le blocus des ports mexicains ? Non, monsieur, il n’y a que des intérêts de blessés. Je reconnais que la chose est fâcheuse. Malheureusement, elle est inévitable. Un blocus rigoureux est le seul moyen d’atteindre et de frapper au cœur une puissance éloignée, que les circonstances mettent presque à l’abri d’une guerre d’invasion, et qui tire ses principales ressources du commerce étranger. Il faut bien employer ce moyen-là. Le Mexique a refusé de satisfaire à de justes réclamations, poursuivies pendant longues années par les voies amiables avec une rare patience ; il a donné à la France le droit de lui déclarer la guerre. Au lieu d’exercer ce droit, la France déclare ses ports en état de blocus, et maintient le blocus par des forces réelles. La réalité du blocus n’est-elle pas tout ce que les neutres peuvent exiger ? n’est-ce pas le blocus fictif, le blocus sur le papier, en vertu d’un simple décret, que réprouvent les principes actuels du droit des gens ? Le seul intérêt du commerce anglais, lésé par nos mesures de blocus, ne suffit donc pas pour donner force et valeur à ses réclamations ; car si l’intérêt suffisait en pareil cas, il aurait aussi le droit de se plaindre le jour où la France déclarerait la guerre au Mexique, puisque l’état de guerre nuirait considérablement à ses opérations : et qui ne voit que cette conséquence absurde condamne toute l’argumentation des publicistes anglais ?

Ces messieurs sentent si bien, au reste, le faible de leur position quant au droit, qu’ils se jettent très vite à côté de la question dans les conjectures les plus invraisemblables et les récriminations les moins concluantes. Ainsi ils supposent à la France une ambition qu’elle n’a pas, des vues d’agrandissement qui sont démenties par toute la politique d’un gouvernement sage et ami de la paix, des projets d’établissement pour ses princes, qui, s’ils ne se rattachent pas à des idées entièrement chimériques, n’ont cependant jamais eu rien de sérieux. Vous voyez que je veux vous parler du prince de Joinville, dont le départ pour le Mexique, avec l’expédition de l’amiral Baudin, aurait, dit-on, inspiré quelques inquiétudes. Il est vrai, et cela fait grand honneur à la France, que plusieurs des personnages distingués du Mexique ont souvent désiré l’établissement d’une monarchie constitutionnelle dans ce pays, et jeté les yeux sur les enfans du roi, pour une couronne qui aurait pu être si belle.