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est déjà ancienne ; mais en ces derniers temps plusieurs publicistes semblent s’être donné le mot pour en appeler la réalisation. Cette faculté, comme la précédente, n’offrirait guère que des branches d’enseignement déjà en vigueur à la Sorbonne, au Collége de France ou à l’école de Droit ; savoir : le droit naturel, le droit international, le droit public français, l’économie politique, la statistique, l’administration générale et comparée, la procédure administrative et l’éloquence parlementaire. La durée de l’enseignement serait de trois années ; on obtiendrait successivement les grades de bachelier, de licencié et de docteur. C’est ainsi qu’en Allemagne, nous dit-on, ceux qui aspirent aux emplois doivent prouver par des diplômes, qu’ils possèdent la science de l’administration qu’on y enseigne sous le nom de Caméralistique.

Dans cette verve de réformateur, dans ce flux intarissable d’idées, la proposition heurte souvent l’objection, et c’est alors l’auteur qui fait la besogne du critique. — « Avant d’instituer une faculté des sciences économique, administrative et politique, est-il dit (page 385), une première pensée devrait occuper sérieusement le gouvernement ; ce serait de déterminer d’abord les principes qui seraient préférés, de choisir ensuite les autorités dont les opinions seraient données pour bases fondamentales à ce nouvel enseignement, et de rédiger en conséquence les traités rudimentaires et spéciaux qui seraient approuvés. » — Il ne serait pas rigoureusement impossible qu’un messie politique imposât un évangile à la foi des peuples, et élevât les principes au-dessus de la discussion. Mais l’application de ces principes, la pratique administrative qui doit tenir compte des accidens de temps, de lieux et de personnes, sera toujours matière à controverses. Dans les sociétés constitutionnelles surtout, dont l’élément est le flot capricieux des majorités, les théories peuvent être fréquemment changées, nous ne dirons pas par un bouleversement social, mais par une simple révolution ministérielle. Il faudrait dès-lors ou que l’enseignement changeât avec les dépositaires de l’autorité, ou qu’un fâcheux conflit s’établît entre les professeurs et le pouvoir.

La politique active est un art d’inspiration qui s’appuie sur les connaissances les plus diverses ; mais ces connaissances ne sauraient fournir les élémens d’un dogme scientifique. Un diplôme relatif à cette science prétendue n’aurait donc aucune signification. Le grade de théologien annonce qu’on possède l’orthodoxie ; celui de jurisconsulte, qu’on a étudié les conventions légales acceptées. Mais le doctorat ès-lettres, qui est aujourd’hui conféré à la Sorbonne, constitue-t-il le littérateur ? Non, pas plus que la caméralistique ne ferait un homme d’état. C’est que la littérature, ne reposant pas sur des bases inattaquables, n’est pas une science dans toute la rigueur du mot. On ne commettait pas de semblables inadvertances dans ce moyen-âge que par habitude on appelle encore barbare, mais où l’on avait un grand respect pour le mot, parce qu’il était alors la manifestation d’une idée. Dans l’Université primitive, on ne prenait que le titre de maître ès-arts dans la première faculté, où l’on étudiait la grammaire, la dialectique et la géométrie, que l’on ne considérait que comme des instrumens pour atteindre la vérité. Le doc-