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bout. » — Dans l’Encyclopédie méthodique[1], les avis de ceux qui font autorité en matière d’études sont résumés par ces phrases, assez remarquables pour qu’on nous permette de les citer : — « La philosophie n’est que l’habitude de réfléchir et de raisonner, ou, si l’on veut, la facilité d’approfondir et de traiter les arts et les sciences. Elle doit commencer dès les premières leçons de grammaire et se continuer dans tout le reste des études. Ainsi le devoir et l’habileté d’un maître consistent à cultiver toujours plus l’intelligence que la mémoire, à former les disciples à cet esprit de discussion et d’examen qui caractérise l’homme supérieur, et à leur donner par la lecture des bons livres et par les autres exercices, des notions exactes et suffisantes pour entrer d’eux-mêmes ensuite dans la carrière des sciences et des arts. » Nous ne craignons pas de compléter cette pensée en étendant le mot arts jusqu’aux opérations commerciales et industrielles.

D’ailleurs ces principes ont pour eux la sanction de l’expérience. Il est bien rare qu’un homme vraiment supérieur dans une spécialité n’ait pas reçu la culture classique. Le père de Pascal, qui avait pour principe d’exercer son fils au raisonnement, fit si bien que celui-ci devina, pour ainsi dire, les sciences. Avant d’être grand mathématicien, Descartes s’était distingué dans tous les exercices scolastiques, et particulièrement dans la poésie. Cuvier enseignait les belles-lettres à vingt ans. N’est-il pas remarquable que le siècle qui a réuni le plus grand nombre d’hommes distingués en tous genres, ce XVIIe siècle dont le trait caractéristique fut le bon sens, eût été précisément celui où une rivalité ardente entre l’Université et les corps religieux s’exerça au profit des études classiques ? Ne pourrait-on pas dire que l’essor du commerce et l’influence de la bourgeoisie datent précisément de cette époque où les fils du marchand commencèrent à coudoyer dans les classes ceux du seigneur ? Il est donc injuste d’énumérer tristement les victimes de l’Université, et de prétendre qu’au sortir du collége, on est impropre à tout, si ce n’est à vivre tristement de sa plume. Il serait plus logique de conclure qu’en général les chevaliers de l’industrie littéraire qui ne songent qu’à rançonner les lecteurs, sont des gens de médiocre ou de nulle étude, et qu’ils auraient quelques scrupules d’assourdir, comme ils font, la société, s’ils avaient puisé dans le commerce des maîtres le sentiment de la grande et saine littérature.

Dans le système de l’éducation professionnelle, il faudrait qu’un père décidât de l’avenir de son fils avant l’âge où ses inclinations se révèlent. S’il arrivait que les goûts de l’homme fait se trouvassent en désaccord avec la spécialité imposée à l’enfant, on l’aurait réduit à la nullité absolue. Cette difficulté, qui nous paraît fort grave, embarrasse très peu M. de Girardin. Nous allons citer tout ce qu’il dit à ce sujet : — « Quant au moyen de déterminer les vocations, on ne peut se fier à cet égard ni aux parens, qui sont en général guidés par les convenances de leur position sociale, ni aux enfans,

  1. Grammaire et littérature, au mot études, article signé Faiguet.