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lemagne, et par celui des législateurs de la convention. Nous lui ferons remarquer que, dans les deux cas, la peine menace les parens qui seuls sont coupables, et non pas les enfans, qui ne peuvent être que victimes. Il demande encore que, l’instruction publique devenant un sacerdoce national, l’instituteur soit assimilé, quant au traitement, au ministre du culte ; que le minimum de la rétribution assurée par l’état soit élevé à 750 francs, au lieu de 200, ce qui porte d’un trait de plume à 32,000,000 la somme de 5,540,000 francs inscrite au budget annuel. Il est hors de doute que les députés accorderaient, doubleraient même au besoin les millions demandés, si l’exécution devait répondre aux promesses ; si le fils du riche, comme celui du pauvre, devait sortir de l’école gratuite avec assez d’instruction acquise pour n’avoir plus qu’à apprendre dans une école professionnelle le métier qui doit augmenter ou créer sa fortune. Mais une pareille utopie ne séduira jamais que des gens irréfléchis, et pour la réduire à sa juste valeur, il suffit de discuter le programme de ce que l’auteur appelle une éducation nationale.

La loi du 28 juin 1833 détermine ainsi l’instruction primaire, premier degré : instruction morale et religieuse, lecture, écriture, élémens de la langue française, calcul, système légal des poids et mesures ; deuxième degré, en vigueur seulement dans les chefs-lieux de département, et les communes dont la population excède six mille ames : dessin linéaire, arpentage, géométrie pratique, notions des sciences physiques et d’histoire naturelle, chant, élémens d’histoire et de géographie nationales et étrangères. La loi autorise enfin l’institution des cours spéciaux, réclamés par des intérêts de localité. M. de Girardin raie de la liste les études historiques, qui ne sont, selon lui, « que la mnémonique d’une masse confuse et indigeste de noms d’hommes et de dates d’évènemens. » (Page 126.) — Mais il ajoute en échange la tenue des livres de commerce, des notions d’agriculture, d’économie domestique, de mécanique industrielle, de chimie, de physiologie, d’hygiène, de droit civil et de droit public. Enfin, son génie positif lui inspire une innovation qui probablement serait mal accueillie dans les classes. — « Il restera à rechercher, dit-il (pag. 46), quels peuvent être les travaux manuels susceptibles de remplacer les jeux d’enfans. » — Ce programme constitue l’éducation nationale, qui doit précéder l’instruction professionnelle ; c’est ainsi que, pour corriger la superficialité des esprits, on commencera par faire de chaque enfant un abrégé d’encyclopédie.

Cette réorganisation entraînerait la chute de tout l’édifice universitaire. Les colléges ne subsisteraient plus que comme classes préparatoires, annexées aux institutions professionnelles qui présupposent la connaissance des langues anciennes, celles, par exemple, qui seraient ouvertes au droit, à la médecine, à la cléricature, au professorat supérieur. Suivant l’auteur, les victimes que fait l’université sont innombrables : c’est elle qui enfante tous ces malheureux amans de leur propre génie, qui se croiraient déshonorés par tout autre métier que celui des lettres ; l’instabilité de notre état politique tient