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LA PUCELLE DE CHAPELAIN.

la regardant comme une sainte, ils la veulent adorer. La Pucelle les arrête :

Exaltez moins, dit-elle, une simple bergère !…
Je n’agis point par moi, qui ne suis que faiblesse ;
J’agis par l’éternel ; c’est lui qui, par mon bras,
Apporte aux uns la vie, aux autres le trépas !

Toujours elle garde cette humilité pleine d’ardeur et de confiance. Après la prise d’Orléans, Charles VII veut qu’elle se repose un instant :

Non, prince belliqueux, lui répond la guerrière ;
Je ne dois reposer qu’au bout de la carrière ;
Je ne puis dans mon cours un instant m’arrêter !
C’est un ordre d’en-haut qu’il faut exécuter !

Voilà la Pucelle telle qu’elle est dans ses victoires, qu’elle aime, parce qu’elles lui viennent de Dieu ; voyons-la maintenant dans ses adversités, qu’elle aime aussi, parce qu’elles lui viennent de Dieu. Après sa mission de guerrière, il lui reste une mission de martyre ; elle la comprend et elle l’accepte. Après avoir servi d’héroïne à la France, elle lui servira de victime expiatoire. Dieu n’attendant peut-être que ce dernier sacrifice pour achever de sauver la patrie.

Trompé par ses favoris, Charles VII traite Jeanne d’Arc de sorcière et la chasse de son camp. Elle se retire à Saint-Denis. C’est là qu’au pied d’une croix plantée devant l’église, elle dépose ses armes :

Je dépose ma force en déposant ces armes ;
Mon bras n’est plus ton bras (dit-elle à Dieu), et ma tonnante voix
Ne fera plus frémir les rebelles Anglois.
Si pour te satisfaire, il en faut davantage,
S’il faut, avec mon sang, réparer ton outrage,
S’il ne peut s’expier que par mon seul trépas,
Vienne encore la mort, je ne la fuirai pas !

De là elle va à Compiègne. Bientôt les ennemis assiègent la ville. On se presse autour de la Pucelle ; on lui demande de se montrer sur la muraille, de combattre encore et de vaincre.

Vous me croyez en vain propre à vous secourir,
Je ne suis plus que fille et ne puis que mourir.
Du royaume des cieux l’invincible milice,
Qu’à mes vœux autrefois j’éprouvais si propice,
Par l’ordre du Seigneur aigri contre le roi,
Sans espoir de retour s’est dérobée à moi ;