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LA PUCELLE DE CHAPELAIN.

entre dans l’enceinte et voit un guerrier couché à terre et qui dormait, revêtu de ses armes. Il ôta le casque qui cachait le visage du guerrier et reconnut que c’était une femme. Il essaya d’ôter la cuirasse, mais elle serrait étroitement le corps. Alors, avec son épée, il fendit cette cuirasse du col à la poitrine, et faisant de même pour les manches et les poignets, il délivra la guerrière de ce vêtement de fer qui semblait l’enchaîner. Aussitôt elle s’éveilla, se leva, et voyant Sigour :

Qui a coupé cette cuirasse ? Qui m’a délivrée du sommeil ? Qui m’a tirée de mes malheurs ?

SIGOUR.

C’est le fils de Sigemond, c’est l’épée de Sigour qui a brisé les liens de fer qui vous enchaînaient.

BRUNEHAULT.

Que j’ai long-temps dormi ! Que ce sommeil me pesait ! Que la destinée des malheureux est longue ! C’est Odin qui est l’auteur de ce sommeil que je ne pouvais secouer.

Sigour, s’asseyant auprès d’elle, lui demanda son nom. Alors, prenant une corne pleine d’un breuvage mystérieux, et lui portant un toast d’amitié :

« Salut, beau jour qui m’es rendu, et vous, fils du jour, rayons du soleil, et toi, belle nuit, et toi aussi, terre féconde, fille de la nuit, salut, regardez-nous, ce guerrier et moi, de cet œil de paix qui donne le bonheur aux hommes !

« Salut, dieux et déesses ! salut, sol fertile, donnez-nous la sagesse et l’éloquence, et des mains savantes à guérir les maux des hommes. »

Elle s’appelait Brunehilde et était une Valkyrie. Elle raconta le combat de deux rois, dont l’un se nommait Gunnar, grand guerrier, à qui Odin avait promis la victoire ; l’autre se nommait Agnar, frère de Hod. Brunehilde tua Gunnar dans cette bataille, et alors Odin, pour se venger, la frappa d’une aiguille soporifique : il annonça de plus que jamais elle n’obtiendrait la victoire dans les combats, mais qu’elle serait mariée comme une simple femme ; et moi alors, dit-elle, je fis le vœu de n’épouser que celui qui ne craindrait rien !

Disons en passant, pour ceux qui sont curieux de suivre les vicissitudes de ces traditions merveilleuses, qu’il y a là quelques traits du conte de la Belle au bois dormant. Odin qui frappe Brunehilde d’une aiguille mystérieuse, Brunehilde plongée dans un sommeil magique, qui ne peut être détruit que par la valeur d’un prince courant les