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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

croyaient à l’abri de toute poursuite. Des expéditions postérieures, dirigées par le général Pankratief, portèrent la terreur du nom russe dans les vallées les plus reculées. Des cantons, qui de temps immémorial n’avaient reconnu aucun pouvoir étranger, se soumirent. Les anciens de plusieurs tribus vinrent prêter serment de fidélité à l’empereur et rendre deux canons enlevés au général Emmanuel par les montagnards. Enfin, quelques chefs, partisans zélés de Khasi-Moullah, se livrèrent eux-mêmes aux Russes, attirés par les promesses de pardon qui avaient été faites. Le Tabasseran fut ainsi pacifié, et l’ordre se rétablit partout.

Toutefois Khasi-Moullah qui, le 1er  novembre, avait surpris et pillé la ville de Kislar, revint dans les montagnes, espérant que ce succès réveillerait l’ardeur de ses partisans ; mais il les trouva fort refroidis. Plusieurs chefs, qui avaient prêté serment à l’empereur de Russie, refusèrent de le recevoir ; on le traita d’imposteur, et il vit que la défiance et l’aversion avaient succédé à l’enthousiasme qu’il avait d’abord inspiré. Repoussé de plusieurs villages, il entraîna cependant un chef, bey des Avares, nommé Hamsad, qui avait déjà trahi deux fois les sermens faits au gouvernement russe, et il alla s’établir dans un endroit très fort appelé Tchoumkesse. Dans la nuit du 26 novembre, il envoya 300 hommes s’emparer du bourg d’Erpéli, mais le vaillant chef Oulou-Bey les chassa de la partie du village qu’ils avaient déjà occupée, les poursuivit à une assez grande distance et en tua plusieurs. Il n’y eut pas jusqu’à la mère d’Oulou-Bey qui, exaltée par la colère, ne se précipita sur eux, armée d’une hache, et ne mourut héroïquement après en avoir blessé quelques-uns. Une première expédition, conduite par le général Kokhanof contre Khasi-Moullah, n’avait pas réussi. Le brouillard et la neige avaient forcé les Russes à la retraite, ce qui avait beaucoup augmenté l’audace des montagnards. Le général en chef, craignant que le voisinage de l’adroit sectaire ne troublât de nouveau la tranquillité du Daghestan, résolut de le forcer dans son repaire, et envoya contre Tchoumkesse une division commandée par le colonel Miklachewski. L’entreprise était difficile à cause de la forte position de ce village, qui était défendu par mille montagnards déterminés de la vaillante race lesghi. Le 2 décembre, au point du jour, les troupes russes partirent de Kasanitché, et elles arrivèrent bientôt en vue de Tchoumkesse. Le bourg est situé sur une éminence entourée d’un ravin profond et adossée à un mur de rochers escarpés. On apprit par une première reconnaissance que les seuls points par où l’on pouvait le tourner étaient défendus par des fossés et des barricades, et Miklachewski, qui était