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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

mais seulement protéger, par des forteresses, les frontières occidentales de la Géorgie, favoriser le commerce du Phase par l’expulsion des Turcs de Poti, et, par la conquête d’Anapa, supprimer et détruire le marché d’esclaves qui était la honte de cette ville. » Tout cela peut être vrai ; mais il est vrai aussi que la Russie, après avoir déclaré dans son manifeste que, conformément aux termes du traité de Londres, elle ne chercherait ni augmentation de territoire, ni priviléges commerciaux extraordinaires, ne pouvait aller plus loin sans risquer de se mettre en guerre avec la France et l’Angleterre. D’ailleurs, l’émancipation des provinces du Danube, l’effet moral de la campagne de 1829, la position d’allié protecteur que sa modération apparente lui donnait vis-à-vis de la Turquie, étaient d’assez grands avantages pour qu’elle put se résigner à renoncer à des villes dont ses armées savent maintenant le chemin, et à des positions militaires dont la cession laisserait trop évidemment l’empire ottoman à découvert, et qui, si l’occasion se présentait, ne seraient pas plus habilement défendues par un tel peuple qu’elles ne le furent en 1829.

Peu de temps après la guerre de Turquie, la Russie eut à soutenir, contre les montagnards du Caucase oriental, une guerre de guérillas assez remarquable pour que nous croyions devoir reproduire, en l’abrégeant, le récit qu’en donne M. Eichwald. Les tribus Lesghis, qui habitent les montagnes du Daghestan, n’avaient jamais cessé de faire des incursions sur le territoire occupé par les Russes, le long de la mer Caspienne : conduites par quelques chefs hardis, elles venaient continuellement le dévaster et y répandre la désolation et le carnage. Elles trouvaient un refuge assuré dans les gorges inaccessibles de la haute chaîne de montagnes qui court parallèlement à la mer, depuis le fleuve Samour, limite des Lesghis de Djari, jusque au-delà de Tarkou, et qui domine tout le Daghestan. Cette chaîne n’est que le commencement d’une autre chaîne qui sert de contrefort à la principale arête des Alpes caucasiennes et qu’habitent des peuplades guerrières d’Avares et de Tchetchenzes, lesquelles, favorisées par les hauteurs escarpées qu’elles occupent, avaient conservé pendant des siècles leur sauvage liberté et leurs habitudes de brigandage. Ces montagnards, tous mahométans, étaient toujours restés en rapport avec les Turcs et les Persans, qui se servaient d’eux pour inquiéter les frontières russes, et qui, même en temps de paix, les excitaient secrètement à se soulever, afin d’occuper continuellement les troupes établies dans le Daghestan.

Yermolof avait commencé à les dompter, et en 1825 il avait vengé