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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

possession de la citadelle, les Arnautes qui l’occupaient firent mine de vouloir se défendre. On se disposa à donner l’assaut, et les Arnautes, voyant que c’était chose sérieuse, ouvrirent les portes. La citadelle est si forte et si bien pourvue, qu’on n’eût pu l’emporter sans perdre beaucoup d’hommes. On trouva dans Erzeroum cent cinquante canons et des magasins considérables.

Tous les sandjaks du pachalik d’Erzeroum, même les plus éloignés, se soumirent aux Russes, et le 17 juillet une division fut envoyée dans la direction de Trébizonde et occupa sans résistance la ville de Baïbourt. Le général Bourzof, qui commandait cette division, ayant appris qu’un corps d’armée ennemi de 10 à 12,000 hommes s’était réuni à quelque distance, alla l’attaquer et fut blessé mortellement. Paskewitch, à cette nouvelle, se rendit en personne à Baïbourt, et attaqua l’armée turque dans un village où elle s’était fortifiée et où elle résista assez vigoureusement pour laisser le combat indécis : « Ce fut la seule fois dans toute la campagne, dit M. Eichwald, que les Turcs défendirent bien un village. » Le lendemain, 9 août, il y eut un nouveau combat dans lequel le camp des Ottomans fut emporté. On y trouva de nombreux bagages, les dépouilles de plusieurs bourgs dont les habitans s’étaient enfuis dans les montagnes, une quantité de bétail et presque tous les chevaux de la cavalerie, que ceux qui les montaient avaient laissés là pour pouvoir plus aisément gagner les hauteurs. Les troupes turques étaient surtout composées de Lazes, population belliqueuse et farouche qui habite les montagnes situées le long de la mer Noire, depuis Trébizonde jusqu’à la Gourie. Dans le camp russe, on voyait alors à la fois des régimens tartares du Caucase, des cavaliers fournis par les Kengherli, tribu guerrière de Nakhchivan, des soldats arméniens de Kars, des mahométans de Bayazid, enfin des volontaires turcs du pachalik d’Erzeroum. Les Russes s’avancèrent au-delà de Baïbourt, à travers des montagnes escarpées qui offraient toute espèce d’obstacles à la marche des troupes, et arrivèrent jusqu’à dix lieues de Trébizonde. Là, Paskewitch, se trouvant engagé dans le pays le plus sauvage, au milieu de rochers nus qui n’offraient aucune trace de végétation, jugea imprudent de jeter son armée dans cette région montagneuse, aux approches de l’hiver, qui s’y fait sentir de très bonne heure. Il revint à Baïbourt, qu’il abandonna, puis à Erzeroum. Il apprit bientôt que, malgré la mauvaise saison, le nouveau séraskier avait rassemblé 18,000 hommes et se préparait à venir l’attaquer. Pour prévenir une campagne d’hiver, il résolut d’aller à sa rencontre, et il lui livra, près de Baïbourt, un combat dans lequel les Turcs furent complé-