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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

20,000 hommes, bien pourvus de tout ce qui est nécessaire en campagne, pleins d’ardeur guerrière et de confiance enthousiaste dans leur chef. Il établit d’abord son quartier-général à Goumri, petite place forte située sur la rivière d’Arpatchaï, laquelle se jette dans l’Araxe et sert de limite entre la Géorgie et l’Arménie turque. Le 26 juin, après une messe solennelle terminée par la bénédiction des troupes, l’avant-garde passa l’Arpatchaï, et tout le corps d’armée se dirigea à l’ouest vers la forteresse de Kars, chef-lieu du pachalik de ce nom. Toute la contrée présentait le spectacle d’une dévastation complète, et les Arméniens qui l’habitent avaient été emmenés par les Turcs, lesquels se défiaient d’eux. Paskewitch se décida à tourner la forteresse par le midi et à prendre position sur la route d’Erzeroum ; il coupait ainsi les communications de la garnison avec l’intérieur du pays et pouvait faire face au séraskier d’Erzeroum, si celui-ci se mettait en mouvement pour la secourir. Le 1er  juillet, l’armée russe se rapprocha de Kars après avoir repoussé une première attaque de la cavalerie ennemie. Les Turcs avaient établi un camp retranché sur une hauteur qui domine la ville au sud-ouest ; comme on ne pouvait en venir à un siége régulier sans l’avoir forcé, les Russes l’attaquèrent le 5 juillet et l’emportèrent à la baïonnette. Ils poursuivirent les fuyards jusque dans la ville, et des renforts ayant été envoyés à propos, la place fut immédiatement enlevée et on y fit 1,250 prisonniers. Une partie de la garnison, au nombre de 5,000 hommes, se réfugia dans la citadelle et se rendit bientôt après. Parmi les prisonniers se trouva le gouverneur de la province, Méhémet-Emin, pacha à deux queues : 3,000 hommes de cavalerie turque s’étaient ouvert un passage à travers les Russes et s’étaient réfugiés dans les montagnes.

Quinze jours après la prise de Kars, le général-major Hesse, commandant de la division qui occupait la Mingrélie, investit la forteresse de Poti, située à l’embouchure du Phase, enclave turque dans les possessions russes. La place reçut pendant six jours le feu de trois batteries qui endommagèrent beaucoup les maisons et firent une énorme brèche dans la muraille. La garnison, composée d’habitans des provinces voisines, capitula le 27 juin, à condition qu’on laisserait chacun retourner librement dans son pays.

Paskewitch, ayant laissé une garnison à Kars, se dirigea, à travers les hautes montagnes de Tchildir, vers la forteresse d’Akhalkalaki, située au nord-est de Kars dans le pachalik d’Akhaltzikhé. Le 4 août, les troupes russes arrivèrent à portée de fusil de cette forteresse sans que personne fît mine de vouloir se défendre, quoiqu’on vît sur les