Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/761

Cette page a été validée par deux contributeurs.
757
DU THÉÂTRE CHINOIS.

« Aouana est assise près d’une table couverte d’habillemens ; elle coud très diligemment.

« Le vieux domestique chante, en travaillant, la mélancolique histoire de son maître, et avec tant de sensibilité, qu’à la fin ses yeux se mouillent et ses larmes coulent sur ses joues ; pour montrer du courage, il essuie ses pleurs et affecte de rire, comme pour se reprocher sa pusillanimité. »


Cependant le jeune Sycou-ye a atteint l’adolescence ; il se livre à l’étude, encouragé et aidé par les deux bons vieillards. Ataï échange les sandales qu’il a tissées contre l’huile qui doit éclairer la veille laborieuse de Sycou-ye.

Ici est une scène dont le motif est réellement pathétique. L’étudiant a succombé au sommeil ; la bonne Aouana, après l’avoir regardé long-temps avec tendresse et lui avoir adressé les plus touchans discours entrecoupés de larmes, pense qu’il faut cependant le réveiller pour qu’il poursuive son travail ; et, prenant une férule de cuir qui est sur la table, elle lui en donne un léger coup sur la joue.

Sycou-ye s’éveille plein d’emportement, et demande à Aouana qui l’a rendue si hardie que d’oser le frapper ; elle sait bien qu’elle n’est pas sa mère, mais seulement une esclave de son père.

Aouana le laisse dire, puis lui fait sentir l’injustice de sa colère. « Votre mère, où est-elle ? Qui l’a remplacée ?… N’est-ce pas moi, ingrat ?… et vous me méprisez ! Eh bien ! non, je ne suis pas votre mère ; je renonce à vous tenir lieu d’elle. »

Sycou-ye, ramené à lui-même par ce tendre reproche, tombe aux pieds d’Aouana, et lui demande pardon de sa violence en fondant en larmes. Enfin le lettré revient chez lui. En route, il aperçoit au bord d’un fleuve deux pauvres femmes occupées à laver du linge, et portant toutes les marques de la plus profonde misère ; ce sont les deux fugitives. Bientôt, rentré dans sa maison, il apprend leur histoire, et comprend que c’est elles qu’il a vues réduites à une si triste extrémité. La fidèle Aouana est élevée à la dignité d’épouse ; elle ne dit rien, et se soumet en silence à son bonheur. Ataï est fait mandarin. Ainsi le vice est puni et la vertu récompensée, selon les lois du mélodrame en tout pays. À la fin, le fils du lettré arrive en habit de licencié, comme, dans nos vaudevilles, le jeune premier paraît à la dernière scène en uniforme de housard.

Van-Braam, à qui nous devons l’analyse de cette pièce, en avait été fort touché dans un précédent voyage ; il désira la revoir encore,