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nées, et de parler agréablement des choses sans s’exposer au danger de les appeler par leur nom.

Le peu de vers qu’a traduits M. Davis font regretter qu’il ait, en général, jugé à propos de supprimer cette portion de sa tâche. Ceux qui ouvrent la pièce et que chante le khan des Tartares ont un caractère de poésie locale et pittoresque.

« Le vent d’automne souffle impétueusement à travers les herbes parmi nos tentes de feutre ;

« Et la lune, qui brille la nuit sur nos huttes sauvages, écoute les gémissemens du chalumeau plaintif. »

Remarquez le vent d’automne, qui n’est pas là pour rien. Au début de la pièce, j’ai dit quel était en chinois son titre et le motif de ce titre.

Le Tartare s’exprime en guerrier terrible, l’effroi des empereurs. Bien qu’en général l’intérêt du drame porte sur les Chinois, l’auteur fait parler avec une certaine complaisance leur formidable ennemi[1]. Il faut songer que l’auteur écrivait sous une dynastie mongole.

L’empereur n’a point d’épouse, et, pour s’en procurer une, il s’y prend à peu de chose près comme Assuérus. Il se fait apporter les portraits de ses plus belles sujettes, afin de choisir parmi elles une impératrice. Un perfide ministre a été chargé de former pour le prince cette galerie de portraits. Le plus ravissant de tous serait celui de Tchao-kun ; mais comme ses parens sont pauvres, et n’ont pu faire des présens au ministre, celui-ci a l’idée scélérate de défigurer l’image de la belle. Heureusement l’empereur la rencontre dans ses jardins ; il est détrompé fort agréablement, et l’épouse.

Un traité obligeait de donner au khan des Tartares une princesse du sang impérial. Qu’a fait le méchant ministre ? Il a fui en Tartarie en emportant le portrait, cette fois sans défaut, de la nouvelle impératrice. Il le montre au barbare, qui sur-le-champ s’enflamme à la vue de cette peinture, et menace d’envahir la Chine, si on ne lui donne l’original.

Pendant ce temps, l’empereur, amolli par la félicité, négligeait les affaires, était distrait pendant les audiences. Un ministre rigide ose lui conseiller, pour sauver l’état, d’abandonner la princesse. L’empereur résiste ; il s’emporte contre ses troupes et contre son peuple, qui la laissent partir. Elle se dévoue généreusement, et ne se permet que quelques plaintes assez gracieuses : « Aujourd’hui dans le palais de Han ; demain épouse d’un barbare. » Elle pleure l’empereur qu’elle

  1. Il va jusqu’à dire : « Je suis le descendant véritable des Han. »