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DU THÉÂTRE CHINOIS.

il mérite des éloges pour avoir voulu élargir le cercle et agrandir l’empire de notre scène.

Métastase a traité un sujet assez semblable à celui de l’Orphelin dans l’Eroe Cinese. Il est inutile de dire que tout ce qui pouvait rappeler la Chine a disparu sous les inventions romanesques et les gracieux vers d’amour du poète italien. Zamti est un Chinois pur sang, en comparaison de Léango, et Idamé ne dit rien d’aussi tendre que ce final de Lisinga :

In mezzo a tanti affanni,
Cangia per te sembianza
La timida speranza
Che mi languiva nel sen.
Forse sarà fallace,
Ma giova intanto e piace,
E ancorchè poi m’inganni,
Or mi consola almen.

Une pareille musique de paroles et de sentiment console bien de l’absence de couleur locale.

Environ cinquante ans avant Jésus-Christ, une princesse fut sacrifiée par la politique et la nécessité, et livrée par l’empereur de la Chine, son époux, à un khan de Tartarie. Dans les idées chinoises, c’est un grand malheur de quitter le territoire sacré de l’empire, le dessous du ciel, pour aller aux confins du monde, et, pour ainsi dire, hors du monde, chez les barbares. C’est un plus grand malheur d’échanger le palais impérial, la couche du fils du ciel, contre la tente de feutre et la natte grossière d’un Tartare. Aussi l’infortune de la belle Tchao-Kuen a-t-elle laissé une longue mémoire. Les peintres lui ont consacré leurs pinceaux, et les poètes leurs vers. La légende populaire l’a immortalisée ; enfin elle a fourni le sujet d’un drame intitulé la Tristesse du palais de Han.

Le véritable titre est l’Automne dans le palais de Han. Mais, d’après les habitudes de la poésie chinoise, l’automne est un emblème du chagrin, comme le printemps de la joie. De même, le dragon désigne ce qui se rapporte à l’empereur ; le phénix ou les oies sauvages, ce qui a trait à la félicité domestique, et enfin la poésie elle-même a un poétique symbole dans les saules et les fleurs. Il faut connaître ce langage allégorique pour comprendre les vers et la prose ornée. On entrevoit comment il est possible, en choisissant avec art les expressions convenues, de faire une foule d’allusions ingénieuses et détour-