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DU THÉÂTRE CHINOIS.

recommandée aux souverains et rangée parmi les droits et franchises que l’usage assure parfois aux sujets d’un état despotique, la liberté des avis, des murmures et des chansons.

Il paraît qu’une rénovation s’opéra, dans l’art dramatique, au VIIe siècle de notre ère, sous la glorieuse dynastie des Thang, l’âge d’or, l’ère classique de la poésie chinoise. L’empereur Hiouen-hong, qui avait créé dans son palais une académie de musique, et donnait lui-même des leçons aux trois cents élèves qui la composaient, fit exécuter en sa présence des pièces appelées yo-kio par des musiciens des pays barbares, c’est-à-dire étrangers. Serait-il trop téméraire de voir dans les yo-kio les nakyas, drames de l’Inde ? L’altération du nom indien n’offre rien d’extraordinaire. Les Chinois de Canton ont bien fait pidgeon du mot anglais business[1]. Mais ce que nous connaissons du théâtre indien est trop différent du théâtre chinois pour qu’on puisse admettre une influence considérable du premier sur le second. Si cette influence a existé, elle a dû se borner à la portion musicale des pièces ; car la musique fait partie intégrante des drames chinois. Dans ces drames, l’air de chaque morceau chanté est indiqué avec soin. Les Chinois attachent une grande importance à cet art ; pour eux, il est lié à la morale et à la politique, et, sous l’empereur Chun, vingt siècles avant Jésus-Christ, il y avait déjà un surintendant de la musique.

Les acteurs ont toujours été classés avec les chanteurs, et aussi avec les bouffons, les faiseurs de tours. C’est exactement l’acception complexe du mot histriones, au temps de la décadence latine. Dans toutes les relations des voyageurs, les plaisirs de la scène sont associés à des amusemens plus grossiers, aux bouffonneries des mimes et aux tours d’adresse des bateleurs. Pendant les audiences que l’empereur donne aux ambassadeurs étrangers, ces sortes de divertissemens ont lieu simultanément ; ce qui montre le peu d’estime qu’on fait de l’art dramatique.

Et il ne s’agit pas ici des pièces écrites pour la rue, il s’agit du spectacle de la cour, par conséquent de tout ce qu’il y a de plus relevé dans l’art. Il faut donc reconnaître que le théâtre est peu estimé à la Chine. Les philosophes se sont prononcés contre lui à diverses époques, comme Rousseau a écrit sa lettre sur les spectacles, et avec le même succès.

La condition des comédiennes est assimilée par la loi à celle des

  1. Fauqui in China, tom. II, pag. 295.