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REVUE DES DEUX MONDES.

A-t-il rassasié ta fierté vagabonde,
A-t-il pour les combats assouvi ton penchant,
Cet homme audacieux qui traversa le monde,
Pareil au laboureur qui traverse son champ,
Armé du soc de fer qui déchire et féconde !

S’il te fallait alors des spectacles guerriers,
Est-ce assez d’avoir vu l’Europe dévastée,
De Memphis à Moscou la terre disputée,
Et l’étranger deux fois assis à nos foyers,
Secouant de ses pieds la neige ensanglantée ?

S’il te faut aujourd’hui des élémens nouveaux,
En est-ce assez pour toi d’avoir mis en lambeaux
Tout ce qui porte un nom, gloire, philosophie,
Religion, amour, liberté, tyrannie,
D’avoir fouillé partout, jusque dans les tombeaux ?

En est-ce assez pour toi des vaines théories,
Sophismes monstrueux dont on nous a bercés,
Spectres républicains sortis des temps passés,
Abus de tous les droits, honteuses rêveries
D’assassins en délire ou d’enfans insensés ?

En est-ce assez pour toi d’avoir, en cinquante ans,
Vu tomber Robespierre et passer Bonaparte !
Charles dix pour l’exil partir en cheveux blancs ;
D’avoir imité Londre, Athènes, Rome et Sparte,
Et d’être enfin Français n’est-il pas bientôt temps ?

Si ce n’est pas assez, prends ton glaive et ta lance ;
Réveille tes soldats, dresse tes échafauds ;
En guerre ! et que demain le siècle recommence,
Afin qu’un jour du moins le meurtre et la licence,
Repus de notre sang, nous laissent le repos !

Mais si Dieu n’a pas fait la souffrance inutile,
Si des maux d’ici-bas quelque bien peut venir ;
Si l’orage apaisé rend le ciel plus tranquille ;
S’il est vrai qu’en tombant sur un terrain fertile,