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tres encore, donnent lieu d’espérer au fondateur de l’entreprise que ses effets de crédit seront recherchés pour eux-mêmes, comme monnaie, par les personnes qui, sans avoir de valeurs à terme à escompter, auront simplement de faibles sommes à placer temporairement sous des conditions reproductives.
On a tellement cru à cette destination des effets de crédit de l’Omnium, qu’on leur a assuré la faculté de porter intérêt (non pas pourtant intérêt composé) pendant cinq ans depuis la date de leur émission, quoiqu’il soit prescrit aux comptoirs de ne pas recevoir de valeurs à échéance de plus de six mois.
Nous nous arrêtons dans nos explications de détail sur l’Omnium, pour laisser la parole à M. de La Mennais.

Dans la confuse multiplicité des opinions, des théories contradictoires, des pensées diverses qui pullulent au sein de la société présente, au moins est-il un point à l’égard duquel les dissentimens s’effacent, une idée admise universellement, celle du progrès. On a cessé de croire que l’humanité, forcément stationnaire, soit condamnée à tourner sans fin dans un cercle déterminé, passant, après des siècles, par les mêmes phases, recommençant les mêmes travaux pour en recueillir les mêmes fruits, incapable de franchir certaines limites fatales, irrévocablement assignées à son perfectionnement ici-bas. Une conviction tout opposée, fondée sur une philosophie plus éclairée, plus consolante, comme sur une connaissance plus étendue et une plus exacte appréciation des faits antérieurs, s’est au contraire formée peu à peu. L’histoire a parlé le même langage que la raison spéculative, et la raison a justifié les invincibles désirs de l’homme et ses constantes aspirations à un état toujours meilleur. On reconnaît que, soumis à une loi de développement en vertu de laquelle il s’approche sans cesse d’un terme idéal de perfection auquel sa nature le force de tendre, il procède dans ses voies par des évolutions successives, et se distingue par là du pur animal à jamais fixé dans l’état qui fut le sien originairement, comme quelques mollusques sur le rocher où commença leur existence.

Or, bien que le progrès, considéré en général, s’accomplisse à la fois dans toutes ses branches, il apparaît cependant d’une manière plus frappante en quelques-unes d’elles, à certaines époques du temps ; et l’on peut, en tout cas, le décomposer par la pensée, afin de l’étudier plus facilement en chacun de ses élémens principaux.

Ainsi, pour que la condition du genre humain s’améliore, il faut, premièrement, qu’il connaisse et pratique mieux ses propres lois, ou qu’il s’opère en lui un développement simultané de l’intelligence et du sens moral, c’est-à-dire un accroissement de puissance, car toute puissance est spirituelle, dérive de l’esprit originairement, et