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ralement, à la remonte, de 2 à 4 lieues à l’heure ; à la descente, elle est de 4,5 et quelquefois 6 lieues. Il y a actuellement sur la Tamise des bateaux dont la marche habituelle est de 6 lieues. Sous ce rapport encore, les bateaux américains l’emportent sur ceux de l’Angleterre. « J’ai vu plusieurs fois à Albany, dit M. Michel Chevalier dans son livre des Intérêts matériels, le bateau à vapeur, parti le matin de New-York à 7 heures précises, arriver avant 5 heures du soir. La distance est de 55 lieues de poste, et comme le bateau s’arrête quinze fois pour prendre et déposer des voyageurs, il y a moins de 9 heures de marche réelle, ce qui suppose une vitesse de plus de 6 lieues à l’heure. »

En France, entre le Havre et Rouen, où la Seine offre un chenal profond, les bateaux à vapeur marchent à raison de 5 à 6 lieues 1/2 à l’heure. Sur le Rhône, la vitesse est de 6 lieues à la descente et de 1 lieue 1/2 seulement à la remonte. Sur la Garonne, la marche, entre Royan et Bordeaux, atteint souvent jusqu’à 6 lieues 3/4 à l’heure. Quant à la Loire, les bateaux d’ancien modèle n’y font guère que 2 lieues 1/2 à l’heure ; mais la navigation à la vapeur y a pris dernièrement un accroissement considérable : on peut citer, entre autres nouveaux bâtimens qui se sont fait remarquer par la rapidité de leur marche, le Riverain no 2, qui ne cale que 18 pouces d’eau, et dont la force motrice, produite par une seule machine, est de 40 chevaux. Il fait le trajet entre Nantes et Angers en 9 heures et revient en 6, y compris le temps perdu à 16 escales, ce qui donne de marche effective 3 lieues à l’heure à la remonte et 5 à la descente. Cette vitesse reste d’ailleurs bien au-dessous de celle qu’atteignent les beaux steamers de la Seine, la Dorade, construite par M. Cavé, et l’Éclair, de M. Jollet, bateau en tôle affecté au transport des voyageurs entre Rouen et Saint-Germain. La concurrence est telle aujourd’hui sur la Loire qu’on y fait en ce moment 25 lieues pour 50 centimes. Quand les bateaux arrivent dans une ville, ils répandent sur le rivage de petits imprimés ainsi conçus : « Enfoncé l’Hirondelle ! elle a mis 10 minutes de plus que l’Orléans, etc. » L’Orléans, à son tour, prend à l’occasion sa revanche, et de là nouvelle distribution d’imprimés-pamphlets, le tout pour le plus grand profit des voyageurs. Il en est de même en Angleterre ; les compagnies rivales de la navigation par la vapeur, entre Londres et Boulogne, ont commencé un nouveau genre de concurrence. L’une d’elles avait récemment fait afficher que ses paquebots transporteraient de Boulogne à Londres à 1 schelling (1 fr. 25 c.) par tête ; ce que voyant, la compagnie rivale s’est hâtée de réduire le prix de ses places à 6 pence (62 1/2 cent.), c’est-à-dire à la moitié du prix de sa concurrente.

Si les bâtimens à vapeur ne peuvent, sous le rapport de la célérité de la marche, entrer en concurrence avec les chemins de fer, il est facile d’établir au moins qu’ils peuvent, moyennant certains perfectionnemens, l’emporter de beaucoup, pour le bon marché des prix de transport, sur ce dernier mode de viabilité. Ici encore, l’Amérique et l’Angleterre nous donnent l’exemple. Bornons-nous à citer quelques faits. Sur l’Hudson, les marchandises paient,