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c’est-à-dire le chœur, remonte au VIIe ou au VIIIe siècle ; ses piliers lourds et écrasés, les énormes pierres superposées par lits épais, qui ont servi à le construire, et ses voûtes arrondies en plein cintre, sont antérieurs au goût gothique et dénotent la transition du style romain au style normand. Ce chœur formait autrefois une église complète ; mais la prospérité d’Iona s’étant accrue, et le vaisseau du temple étant devenu trop étroit pour contenir l’affluence des fidèles, on ajouta une nouvelle église à l’ancienne ; cette nouvelle église composa la nef et les transepts : les transepts s’étendirent au point de soudure, et le clocher, ou la tour de l’ancienne église, qui se trouvait au-dessus du porche à l’extrémité opposée à l’autel, se trouva désormais placé entre les deux églises et au point d’intersection des deux branches de la croix. Cette nouvelle église, juxta-posée à l’ancienne, doit dater du XIe ou du XIIe siècle. La forme gothique a prévalu dans ses détails, mais elle a conservé, dans la masse, quelque chose de la lourdeur romaine. Ses arcades ogivales sont portées par des piliers de dix pieds de hauteur, les chapiteaux compris, et de neuf pieds de circonférence. Les chapiteaux de ces colonnes sont d’un travail curieux : chacun d’eux est orné de figures grotesques sculptées avec une naïveté qui approche déjà de la délicatesse des âges suivans. Les unes représentent des anges pesant des ames, les autres des démons jouant avec des pourceaux ; l’un de ces démons a une figure monacale qui doit avoir été sculptée d’après nature. La tour du clocher de la cathédrale a été bâtie peu de temps avant la partie gothique du monument ; mais, quelle que soit son ancienneté, elle est parfaitement conservée et sa solidité paraît encore à l’épreuve de bien des siècles. Elle n’aurait besoin que d’être recouverte et planchetée pour être habitable.

L’autel occupe l’extrémité orientale de l’église ; cet autel était composé de larges dalles d’un marbre blanc veiné de gris : il a été détruit presque entièrement par la superstition du peuple. Ces insulaires, quoique convertis aux doctrines de la réforme, regardent toujours un morceau de marbre de l’autel d’Iona comme un merveilleux talisman. Ils ont donc mis en pièces le marbre de l’autel, qui a dû faire bien des heureux. Dans la nef de l’église, on voit plusieurs tombeaux de pierre. Ces tombeaux sont disposés de manière à ce que la tête du mort soit toujours tournée du côté de l’orient.

En suivant la chaussée appelée Main-Street pour nous rendre à la chapelle du couvent des nonnes et au cimetière des rois, nous vîmes dans la plaine une croix d’un travail remarquable, formée d’un seul morceau de granit rouge de quatorze pieds de hauteur ; cette croix s’appelle la croix de Saint-Martin ! Je n’ai pu découvrir d’où lui venait ce nom : elle repose sur un piédestal de trois pieds de haut.

Le monastère des nonnes, comme celui des moines, ne présente qu’un amas de ruines. À peine reste-t-il quelques vestiges du réfectoire, et cependant ses salles furent habitées long-temps encore après la réforme, les religieuses chanoinesses de Saint-Augustin, qui occupaient le couvent, ayant