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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

Les habitans de l’île appartiennent au clan des Mac-Leans ; le chef de la petite tribu de Threld, dont les revenus s’élèvent à une soixantaine de livres, étant absent, nous fûmes reçus par un de ses parens, bonhomme qui nous donna la plus généreuse hospitalité. Après nous avoir servi un copieux déjeuner, composé de gibier, de poisson et de viandes fumées, et dans lequel le porto ne fut pas épargné, il voulut être notre cicérone dans l’île, et il nous conduisit d’abord à la montagne de l’Abbé du sommet de laquelle on embrasse d’un seul coup d’œil la vue de l’île entière et des mers qui l’environnent. L’horizon, du côté du nord, est fermé par la chaîne des collines et des montagnes de l’île de Mull ; dans l’ouest, une longue suite d’îles aux côtes basses sortent de la mer, et la ligne brune qu’elles forment s’appuie sur de hautes montagnes bleues noyées à l’horizon dans une vapeur argentée ; Tiree et Coll sont ces îles basses, et ces montagnes lointaines appartiennent aux îles de Rum et de Skye. Enfin, au sud et à l’est, nous découvrîmes les côtes de l’Écosse couvertes d’une brume épaisse à travers laquelle on apercevait confusément quelques îles plus voisines.

La montagne de l’Abbé est située au centre de l’île, et sa hauteur est la même que celle de la butte Montmartre à Paris. Sur la partie ouest de la montagne on voit un enclos plein de pierres de formes bizarres que recouvre en partie un lit épais de mousse et de plantes sauvages ; cet enclos s’appelle le Cimetière des Druides, Clachnan Druinach, et, si l’on en croit les récits de l’évêque Pockoke, on y voyait autrefois une pierre ou autel druidique (dolmen)[1]. Ce sont là les ruines de l’époque fabuleuse, les monumens de la première origine d’Iona, qui fut l’Île des Druides, Inish Druinish, avant d’être l’île chrétienne, l’île de Saint-Colum. Au nord-est et au sud de la montagne de l’Abbé sont les ruines chrétiennes, le couvent des moines et le couvent des nonnes, les chapelles des deux couvens, la cathédrale et l’évêché.

Nous nous rendîmes d’abord au couvent des moines, qui, ainsi que l’évêché, ne présente plus qu’un amas de ruines. La cathédrale est située derrière le monastère, elle est bâtie en forme de croix. Sa longueur, de l’est à l’ouest, est de cent soixante pieds, et sa largeur de trente pieds à l’endroit du chœur et de la nef, et de soixante-dix au plus à l’endroit des transepts. La cathédrale est construite tout entière avec un granit rouge tiré du petit îlot des Nonnes. Le couvent des religieuses de Saint-Augustin avait été établi sur ce rocher voisin d’Iona, avant que le caprice d’une abbesse ne vînt l’accoler peu convenablement à celui des moines. Les murailles de granit de la cathédrale sont d’une épaisseur singulière ; aussi ont-elles résisté aux efforts du temps ; et tandis que les charpentes se sont rompues et que les toits se sont effondrés, elles sont restées debout dans toute leur majesté. La construction de cet édifice n’est pas uniforme, elle date de plusieurs époques. La partie la plus ancienne,

  1. Pierre verticale supportant une autre pierre placée horizontalement, ayant la forme d’un T majuscule.