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SOUVENIRS D’ÉCOSSE.

aux habitans des îles la manière la plus simple et la plus profitable de cultiver leurs terres en friche ; les ouvriers leur inculquaient les connaissances pratiques qui leur manquaient ; la prédication était l’accompagnement intellectuel de leurs travaux, le véhicule moral de leur pensée civilisatrice.

La petite colonie n’apportait guère aux habitans des Hébrides que l’exemple du travail ; mais ce qui distinguait ses membres des autres émigrans bretons, c’est que tous avaient reçu les ordres et avaient fait vœu de chasteté. Leur établissement prit donc le nom de monastère d’Hy. Pendant bien des années, les hommes dévoués qui l’avaient fondé vécurent ayant le glaive des barbares suspendu sur leur tête, et virent plusieurs fois les chefs des peuplades voisines débarquer dans leur île, le fer et la flamme à la main ; mais leur pauvreté et leur résignation désarmaient les cœurs de ces hommes avides : venus pour piller, ils trouvaient de pauvres ouvriers en prière, et ils priaient avec eux[1]. Colum prêcha pendant trente-deux ans dans les îles. Son monastère devint bientôt le plus célèbre de l’Europe septentrionale, et l’autorité et la puissance de son fondateur s’accrurent en raison de sa renommée. Colum eut des envieux qui l’accusèrent d’hérésie : la simplicité de la règle du couvent d’Iona pouvait donner prétexte à ces accusations, et il faut croire qu’aux yeux des rigoristes elles n’étaient pas sans fondement, puisque nous voyons qu’en 716 les moines d’Iona se réformèrent et se soumirent aux règles de l’église romaine.

Quoi qu’il en soit, Colum, de son vivant, put jouir du fruit de sa persévérante volonté. Désintéressée ou non, son ambition dut être satisfaite. Le pauvre réfugié irlandais vit à ses pieds les grands chefs des îles et du continent. Oswald, roi de Northumbrie, leur avait donné l’exemple ; chassé de son pays par les révolutions, il s’était réfugié dans le monastère d’Iona. Lorsque, à la suite de l’exil, il remonta sur le trône, il n’oublia pas ceux qui l’avaient secouru dans le malheur, et il enrichit et protégea le monastère naissant. Conal, roi ou chef d’Argyle, fut aussi le disciple ou plutôt l’ami de Colum. Aidan, successeur de Conal, voulut être sacré par l’ami de son père ; l’influence de Colum était déjà assez grande pour qu’Aidan vît dans cette cérémonie un moyen de consolider son autorité ; Gairtnart, successeur d’Aidan, se fit sacrer comme lui. Aidan mourut en 587, Gairtnart en 597. Tous deux voulurent être enterrés à Iona.

Lorsque, trente-deux ans après être descendu sur les plages désertes de la petite île d’Hy, Colum mourut, la plupart des clans du nord étaient chrétiens, l’homme qui les avait convertis était devenu pour eux l’objet de la plus grande vénération ; les peuples donnèrent à l’île où Colum résidait le nom de l’apôtre des Hébrides, et l’appelèrent Hy-Colum-Kill, l’île de la cellule de Colum. Plus tard l’île elle-même fut personnifiée, et on en fit une sainte. Sainte-Columba ; depuis la réforme elle a repris son nom d’Hy ou Iona.

  1. Horæ britannicæ, tom. II, pag. 302.