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MÉTAPHYSIQUE ET LOGIQUE D’ARISTOTE.

duction syriaque écrite par Jacques d’Edesse au milieu du VIIe siècle, et à partir de ce moment, la logique fut appliquée à la théologie du Coran, comme ailleurs à la Bible et à l’Évangile. La scolastique n’est à vrai dire qu’un long commentaire d’Aristote dont l’église tantôt ignore, tantôt combat la portée, et qui s’impose à l’Europe par l’autorité de l’Université de Paris. À la fin du XIIIe siècle, Aristote était le maître du monde moderne ; le XIVe fut le triomphe d’une subtilité de formes qui ne s’étendit pas moins sur le mysticisme chrétien que sur la scolastique elle-même, et M. Barthélemy Saint-Hilaire n’a pas tort de penser que la logique nuisit beaucoup moins à la théologie que la théologie ne nuisit à la logique. La renaissance du platonisme précipita la décadence de la scolastique ; Luther se mit à détester Aristote non moins que le pape, et sans Mélanchton, le protestantisme rompait avec la pensée péripatéticienne. À Paris, Ramus publia deux ouvrages contre la logique du Stagyrite, qui, par une coïncidence bizarre, essuyait les mêmes assauts que le catholicisme.

Le génie de Bacon s’ajoutant à l’audace de Ramus, la réaction contre Aristote fut complète. Remarquons en passant que par un juste retour M. de Maistre a traité Bacon comme Bacon a traité Aristote. Il faut être juste dans le monde de l’intelligence, car on y laisse sa mémoire et ses œuvres pour répondre de ses opinions et de ses arrêts. Le chapitre que M. Barthélemy Saint-Hilaire a consacré aux diverses tentatives de réforme en logique, depuis Ramus jusqu’à nos jours, renferme des appréciations pleines de justesse sur Descartes, Gassendi, la logique de Port-Royal, Leibnitz, Locke, Condillac et Reid. La conclusion naturelle de cette enquête historique se trouvait dans les travaux de Kant et de Hegel. L’auteur du Mémoire a très bien compris comment, pour le philosophe de Berlin, la logique et l’ontologie ne sont qu’une même chose, et comment le système de Hegel ne détruit pas l’Organon mais l’absorbe et le transforme. Peut-être seulement les expressions qu’il emploie vers la fin de son excursion historique ne concordent pas avec celles dont il s’est servi en la commençant ; car il avait annoncé que la logique d’Aristote n’avait jamais été étendue, mais seulement éclaircie, et il finit par écrire que les travaux de Hegel l’ont agrandie. Mais la contradiction est plutôt dans les mots que dans le fond des choses, et n’ébranle pas cette conclusion que la logique est restée en substance ce que l’avait faite Aristote.

Nous avons sous les yeux quelques autres essais sur le péripaté-