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des sophistes est le complément de la Topique : il expose les liens sophistiques et les moyens de les combattre, et il enseigne à donner des solutions vraies et loyales.

Après l’exposition la plus consciencieuse et la plus explicite de l’Organon, M. Barthélemy Saint-Hilaire trace une théorie de la connaissance d’après Aristote ; c’est un bon aperçu du péripatétisme, dans lequel l’auteur s’est attaché à montrer que l’Organon n’était pas du tout isolé, et se rattachait à un système plus vaste. À ce point où nous en sommes du Mémoire, nous savons tout ce qui concerne la logique même d’Aristote, tant dans ses détails que dans ses rapports avec les autres parties du péripatétisme. Maintenant nous arrivons à une démonstration historique d’une haute importance, à savoir qu’avant Aristote il n’y avait pas de logique, et qu’après lui, il n’y a que la sienne, éclaircie, mais non point étendue. Cette démonstration, qui occupe dans l’ouvrage de M. Barthélemy Saint-Hilaire plus de deux cents pages, se fait lire avec le plus vif intérêt, et prouve les connaissances de l’auteur dans l’histoire de la philosophie. Au surplus, c’était l’avis d’Aristote qu’avant lui il n’y avait pas de logique, car il dit expressément à la fin de l’Organon : « Pour la rhétorique, on s’en était occupé dès long-temps, et l’on avait produit beaucoup de travaux. Pour la science du raisonnement, au contraire, nous n’avions rien d’antérieur à nos propres recherches, qui nous ont coûté tant de peine et un temps si long. Si vous reconnaissez que cette science, où tout était ainsi à faire dès la base, n’est pas demeurée trop en arrière des autres sciences, accrues par de successifs labeurs, il ne vous reste à votre tour, ainsi qu’à tous ceux qui viendront à connaître ce traité, qu’à montrer de l’indulgence pour les lacunes de ce travail, et de la reconnaissance pour toutes les découvertes qui y ont été faites. » Qui n’admirerait ce noble orgueil du génie et la mâle franchise avec laquelle Aristote avertit la postérité de la gloire qu’elle lui doit !

La logique existe donc par le fait du maître d’Alexandre. Les stoïciens adoptent la syllogistique tout entière. Les commentateurs grecs et latins s’attachent, pour les expliquer et quelquefois les dénaturer, aux textes péripatéticiens. La logique d’Aristote domine dans les écoles païennes dès la fin du IIe siècle, et c’est elle que l’antiquité transmet au monde moderne. Le christianisme la trouva partout en vigueur, et subit Aristote comme inévitable, en même temps qu’il faisait de Platon presque un père de l’église. Quant aux sectateurs de Mahomet, les premières traductions arabes furent faites sur une tra-