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MÉTAPHYSIQUE ET LOGIQUE D’ARISTOTE.

choses, et la création complète des êtres. Que dire des Arabes et des scolastiques, que le monde connaît pour les péripatéticiens les plus enthousiastes et les plus fervens ? À l’époque de la renaissance, Giordano Bruno se montre panthéiste-idéaliste à l’école d’Aristote, et il écrit ces lignes : « L’univers est un, infini et immuable ; il conserve son unité tout en se transformant en toutes choses. Tous les êtres de l’univers sont semblables aux différens sens d’un même être organisé ; ils ne sont que la forme extérieure de la même substance. Ce que la nature écrit en caractères extérieurs, la pensée humaine l’écrit en caractères intérieurs. » Après la révolte de Descartes, l’influence d’Aristote reparaît jusque dans l’originalité de Spinosa, dont la substance une et éternelle, avec ses deux attributs, rappelle le principe d’Aristote, que la pensée est identique avec son autre coélément, l’étendue, et que par son contact elle le rend intelligible. Leibnitz était d’avis que la philosophie d’Aristote pouvait et devait être réunie à la philosophie moderne, et pour la construction de son propre système il lui a fait de nombreux emprunts. Ses monades sont-elles autre chose qu’une traduction des formes essentielles d’Aristote, et ne peut-on pas appeler péripatéticien celui qui a tracé ces mots : « Dieu seul est l’unité primitive ou la substance simple et originaire, dont les productions sont toutes les monades créées et dérivées, qui ne naissent et ne se maintiennent, pour ainsi dire, que par des fulgurations continuelles de la divinité. Dieu est donc puissance, parce qu’il est la source des choses ; il est connaissance, parce qu’il renferme toutes les formes ou idées ; il est volonté, parce qu’il change les choses dans le but du mieux ; Dieu est donc, comme le dit Aristote, le premier principe actif de tout l’univers. »

De nos jours Schelling et Hegel portent l’empreinte d’Aristote. M. Michelet estime qu’il y a le même rapport entre Schelling et Aristote qu’entre celui-ci et Spinosa. Les formes sont diverses, mais les résultats identiques. Quant à l’influence d’Aristote sur Hegel, elle fait l’objet du cinquième et dernier chapitre de l’Examen, où l’auteur apprécie la valeur intrinsèque de la pensée d’Aristote. Comme le système de Hegel est le critérium de M. Michelet, il suit que ses opinions sont un miroir fidèle des transformations de la pensée grecque dans la pensée allemande. L’élève de Hegel donne son approbation entière aux principes fondamentaux du péripatétisme : il reconnaît avec le Stagyrite que la pensée n’est plus opposée à la matière, ni le spiritualisme au matérialisme, puisque la matière elle-même