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MÉTAPHYSIQUE ET LOGIQUE D’ARISTOTE.

encore dans la philosophie. Il doit trouver dans ce beau sujet tout ensemble un aiguillon et un emploi pour son talent, et nous désirons que sans rien précipiter il ne nous fasse pas trop attendre ce complément essentiel de son Essai. Nous souhaitons aussi qu’il donne un libre cours à sa vocation, qui l’appelle incontestablement au culte de la philosophie, et qu’il reste fidèle à la religion de la pensée, sans permettre à certaines circonstances de devenir des séductions ou des obstacles, surtout à cet âge décisif où l’on sème pour l’avenir. Il y a dix années dans la vie de l’homme, de vingt à trente, ou de vingt-cinq à trente-cinq, qui sont peut-être les plus précieuses entre toutes, car elles portent en elles ce que doivent développer celles qui suivront. L’esprit ne devient que ce qu’il s’est préparé à devenir, et c’est la volonté qui arrache à l’intelligence ses plus fertiles moissons.

L’Examen Critique de M. Michelet, de Berlin, se recommande par d’autres qualités que l’Essai de M. Ravaisson ; mais il n’est pas moins nécessaire à l’étude approfondie de la pensée d’Aristote. L’auteur tient un rang distingué dans l’école de Hegel, dans cette école dont le chef fut si grand, et dont les principaux disciples cultivent avec gloire les diverses parties de la science humaine. Il appartient aussi, par son origine, à l’ancienne colonie française que Berlin accueillit lors de la révocation de l’édit de Nantes, et qui a su répondre aux bienfaits de sa patrie adoptive par des traditions héréditaires de travail, de savoir et de talent. Dans sa préface, l’auteur dit qu’issu de Français, il a conservé, pour le pays de ses ancêtres, l’affection due à une première patrie, et il se recommande à notre indulgence pour avoir osé répondre à l’appel de l’Institut. Le prix que lui a décerné l’Académie a dû prouver à l’auteur qu’il n’avait besoin que de justice, et c’est un devoir pour la critique de signaler l’insigne valeur de l’ouvrage couronné. L’école de Hegel ne pouvait pas rester silencieuse dans un concours ouvert sur la métaphysique d’Aristote ; il y a trop d’affinités entre les deux systèmes pour que la pensée moderne n’ait pas voulu servir d’illustration à la pensée antique, et Berlin devait une réponse à la question scientifique que posait Paris.

M. Michelet a divisé son Examen en cinq chapitres. Le premier expose les différentes hypothèses sur la composition même du livre intitulé Métaphysique, et il donne pour résultat que ses diverses parties sont des ouvrages particuliers qui ont paru isolément sous des titres spéciaux. Le second chapitre contient l’analyse de la Métaphysique même, comme preuve intrinsèque de l’unité du plan et de l’harmonie qui y règne. Le troisième traite de la manière dont il faut se