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MÉTAPHYSIQUE ET LOGIQUE D’ARISTOTE.

Cependant l’exercice de la prudence n’est pas le dernier degré de la vie et de l’activité. Au-dessus de la prudence il y a encore la sagesse, qui est la perfection absolue de l’activité de l’ame et qui, s’élevant au-dessus de la vie morale et politique, applique la spéculation à l’être nécessaire et simple, à Dieu. La spéculation veut une raison supérieure à l’humanité, une raison divine comme son objet même, et la fin dernière de la nature est l’action parfaite de la pensée pure dans l’unité absolue de la spéculation. Ainsi la vie animale, la vie humaine ou civile, la vie divine, voilà les trois développemens de l’ame.

La nature et la pensée, le mouvement et la spéculation, le temps et la logique, se développent par une marche parallèle et contraire. La science et la nature forment deux systèmes distincts, semblables, mais opposés ; l’ordre des temps est l’inverse de l’ordre logique, et la fin de la nature est le principe de la pensée.

Le mouvement est éternel, et l’éternité du mouvement suppose l’éternité d’un premier moteur qui ne fait que mouvoir, et ne peut être lui-même en mouvement. Le premier moteur n’est point une ame du monde ; c’est un principe supérieur au monde, séparé de la matière, étranger au changement et au temps, et qui enveloppe les choses, sans se reposer sur elles, de son éternelle action.

Le monde est une sphère qui accomplit autour de son centre immobile un mouvement éternel de révolution. Dans le monde terrestre la nature ne peut arriver à la continuité du monde céleste. Elle ne peut obtenir la perpétuité de l’existence dans l’individu ; elle l’obtient dans l’espèce.

Le premier moteur touche le monde et n’en est pas touché. La cause première ne donne le mouvement au monde que par le désir qu’elle lui inspire, et elle touche le monde par elle-même, sans intermédiaire ; elle est un objet aimé. Le bien suprême s’aime et se pense dans la nature, et comme un père qui se contemple dans son fils, il embrasse le monde dans un acte éternel d’amour.

Le premier principe est l’intelligence et l’intelligible tout à la fois : le premier principe est un être vivant, éternel, parfait, ζῶον, ἀίδιον, ἄριστον, heureux par l’action même. Dieu n’a pas besoin d’amis, parce que la pensée n’a besoin d’aucune chose qui lui soit étrangère. Il n’y a rien dans l’intelligence spéculative ou absolue, que l’action de la pensée qui se pense elle-même, sans changement comme sans repos, et la pensée véritable est la pensée de la pensée.

L’entendement est une puissance passive qui peut prendre toutes les formes, recevoir toutes les idées. L’intelligence absolue est l’acti-