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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L'ASIE OCCIDENTALE.

s’y trouvait que quatre pièces de canon, dont deux, du temps des khans, étaient à peu près hors de service. Le 25 juillet, Abbas-Mirza arriva sur les hauteurs du Gavakan, séparées par un profond ravin de la montagne sur laquelle Choucha est assise, et il somma la garnison de se rendre. Le colonel Reutt répondit par le refus le plus formel. Il fallut d’abord réparer les fortifications, et les assiégés y travaillèrent activement sous le feu continuel de l’ennemi. Le 30 juillet, les Persans attaquèrent la place de deux côtés à la fois ; mais ils furent repoussés avec perte et ne purent pas livrer l’assaut. Le manque de vivres se fit bientôt sentir dans la ville, et le colonel Reutt fit sortir tous les Tartares sur lesquels on ne pouvait pas compter. Ils purent donner aux Persans des renseignemens exacts sur l’état de la forteresse ; ils leur annoncèrent aussi que les plus distingués d’entre leurs compatriotes étaient tenus en prison pour avoir essayé d’exciter un soulèvement en faveur de la Perse, et que le commandant menaçait de les faire périr si Abbas-Mirza tentait de donner l’assaut. Peut-être ces Tartares arrêtèrent-ils le prince héréditaire en lui représentant la triste position de leurs amis ; au moins peut-on croire que cette circonstance ajouta à son indécision et à sa négligence. Ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il laissa aux Russes le temps de se rassembler à Tiflis et de venir à sa rencontre avec des forces assez imposantes. Au reste, il fit, dès le début, des fautes qui ne pouvaient manquer de compromettre le succès de cette campagne. Après avoir passé la frontière russe en toute hâte et sans déclaration de guerre préalable, il partagea son armée en quatre petites divisions et resta inactif devant Choucha avec le corps principal. Ne voulant pas tenter l’assaut, qui lui aurait probablement réussi, il fallait laisser quelques troupes pour tenir la place bloquée, et marcher sur Tiflis, où on n’était pas en état de lui résister et où beaucoup de Tartares et de Géorgiens n’attendaient que son arrivée pour se déclarer en sa faveur. S’il était ainsi venu droit à Tiflis, un tout autre esprit se serait manifesté dans les populations, et la tactique russe eût été fort déconcertée ; mais il craignit de laisser derrière lui Choucha et la faible garnison de cette place, quoique les habitans de tout le Karabagh se fussent déclarés pour lui, ce qui l’assurait contre toute attaque de ce côté. Il n’envoya qu’une partie de son corps dans la direction d’Élisabethopol, et resta devant Choucha, qu’il voulait prendre par famine. Il se croyait si sûr de vaincre, qu’il avait déjà nommé des khans pour différentes provinces et qu’il écrivait au chah : « Je suis en chasse ; j’ai jeté mes filets et j’y ai déjà pris Choucha : le Karabagh, le Chirvan, Ghendjé et Bakou,