Page:Revue des Deux Mondes - 1838 - tome 15.djvu/619

Cette page a été validée par deux contributeurs.
615
ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L'ASIE OCCIDENTALE.

Circassiens, tantôt contre les Lesghis ou les Tchetchenzes. Ces expéditions, qui ne se font jamais sans une grande perte d’hommes, réussissent la plupart du temps à obtenir des montagnards une soumission momentanée. Deux brillantes campagnes, faites en 1828 et en 1830, semblaient avoir assuré pour long-temps la tranquillité dans le Caucase ;. mais nous avons appris de M. Spencer avec quelle fureur la guerre avait recommencé en 1836, et il est évident qu’il faudra bien des efforts et bien des années pour arriver à la pacification de ces contrées.

À la relation de son voyage, si riche en faits de toute espèce, M. Eichwald a ajouté un récit détaillé des guerres contre la Perse et la Turquie, dont les provinces transcaucasiennes furent le théâtre, depuis 1826 jusqu’en 1829. Comme c’est l’heureuse issue de ces guerres qui a affermi, dans ces provinces, la domination, jusque-là mal assurée, de la Russie ; comme d’ailleurs leur histoire est très ignorée et très instructive, nous espérons qu’on nous saura gré de la faire connaître dans ce qu’elle a de plus intéressant.

La guerre de Perse, comme nous l’avons vu, commença en 1826, lorsque M. Eichwald était encore en Géorgie. Le général Yermolof venait de faire une expédition contre les Tchetchenzes, lorsqu’il apprit l’entrée du prince royal de Perse dans la province de Karabagh. On ne s’attendait nullement alors à une attaque aussi soudaine, et il était difficile d’en deviner les raisons. Peu de semaines auparavant, le prince Menzikof, ambassadeur de l’empereur, était allé assurer le chah des dispositions amicales de son souverain, et tout d’un coup, sans déclaration de guerre préalable, l’armée persane envahissait le territoire russe. Il y avait cependant, à cette rupture, d’anciennes causes dont il faut reprendre l’explication de plus haut. Depuis la paix de Goulistan, conclue en 1813 et par laquelle la Perse avait cédé plusieurs provinces à la Russie, on n’avait pu s’entendre pour la délimitation des frontières, qui avait été laissée dans le vague par le traité, et il y avait eu des discussions assez vives entre les deux puissances. En 1817, le général Yermolof fut envoyé à Theran comme ambassadeur extraordinaire, pour tâcher d’arriver à un arrangement. Ayant employé sans succès les formes conciliantes, il eut recours à la hauteur et à l’arrogance, menaça le premier ministre du chah, et obtint ainsi ce qu’il était chargé de demander. Feth-Ali-Chah, qui avait compté profiter des victoires de Napoléon et qui avait vu ce puissant allié disparaître de la scène du monde, plia devant les exigences de la Russie ; mais il ne cessa, depuis ce temps, de nourrir des désirs