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royal de Perse, passa l’Araxe, et commença les hostilités. M. Eichwald fut forcé de renoncer à ses projets et de rebrousser chemin vers Tiflis d’où il revint à Cazan par la route militaire qui coupe la chaîne centrale du Caucase.

Cette route, la plus directe et la plus fréquentée de celles qui mènent en Géorgie, a été souvent décrite. Elle remonte la vallée de l’Aragwi, entre dans les neiges éternelles, traverse la crête du Caucase à 7,425 pieds au-dessus du niveau de la mer[1], et va gagner la gorge étroite où se précipite le Terek. On passe alors au pied de l’énorme cime du Mqinwari ou Kazbek, d’où tombent à peu près tous les ans, sur l’étroit passage, des avalanches de neiges et de glace mêlées de quartiers de rochers. En août 1832, il en tomba une qui barra la vallée si complètement, que le Terek fut arrêté douze heures, et inonda tout le défilé ; il se fraya enfin un passage à travers cette masse de glaces, où il forma une arcade sous laquelle ses flots se précipitaient. On peut se figurer quelles dépenses et quels travaux il fallut pour déblayer et réparer la route. On a remarqué qu’il y a environ tous les sept ans une de ces avalanches extraordinaires qui bouleversent toute la vallée. Le défilé est très étroit jusqu’à Dariel, la porte caucasienne des anciens ; plus loin les montagnes s’écartent et s’abaissent un peu. Les environs du passage de Dariel sont habités par des Ossètes et des Ingouches soumis à la Russie. Néanmoins toute cette route est si peu sûre, qu’on ne la fait jamais sans une nombreuse escorte, et qu’il a fallu élever partout des redoutes situées à peu de distance les unes des autres. Nous avons déjà parlé de la ligne du Kouban qui commence à la mer Noire, et des Cosaques établis sur la rive droite de ce fleuve pour en interdire le passage aux Circassiens du Caucase occidental. Cette ligne s’unit par une suite de forts à celle du Terek, dont la rive gauche est aussi défendue par des Cosaques, depuis le coude qu’il fait à l’est en sortant des montagnes, jusqu’à son embouchure dans la mer Caspienne. M. Eichwald, n’ayant pas pu visiter les tribus indépendantes du Caucase, a cependant recueilli un assez grand nombre de renseignemens sur les Circassiens, les Tchetchenzes, les Avares, etc. ; ils s’accordent trop avec ceux que nous avons donnés précédemment pour que nous croyions devoir les reproduire. Il donne beaucoup de détails sur plusieurs expéditions faites par les Russes depuis quelques années, tantôt contre les

  1. Le passage du Grand-Saint-Bernard n’est plus élevé que de quelques pieds, le col du Mont-Cenis n’est qu’à 6,198 pieds, et celui du Simplon qu’à 6,015 pieds au-dessus du niveau de l’Océan.