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montagnards livrent comme otages. Il s’y trouvait, en 1828, trente-doux écoliers mahométans à qui l’on apprenait leur religion, l’arithmétique et les langues russe et tartare. Cette école a été fondée afin que ces enfans, appartenant aux premières familles du Caucase, pussent par la suite répandre quelques lumières parmi leurs compatriotes.

Après un premier séjour à Tiflis, M. Eichwald alla visiter l’Imérétie et la Mingrélie. L’Imérétie fut long-temps réunie à la Géorgie, puis elle forma un royaume à part. Elle en est séparée par un contre-fort du Caucase, où se trouve la ligne de partage entre les eaux du Kour, qui vont à la mer Caspienne, et celles que le Phase ou Rioni porte à la mer Noire. La religion, la langue, les mœurs, sont à peu près les mêmes dans les deux pays. Il s’y trouve également une multitude de princes pauvres et ignorans. « Autrefois, dit M. Eichwald, les princes imérétiens ne savaient jamais lire, ni écrire ; leurs femmes possédaient ces connaissances élémentaires, et veillaient seules à l’administration de la maison. Quant aux hommes, ils ne s’occupaient qu’à chasser ou à guerroyer contre les Turcs et les Lesghis : toute autre occupation leur eût paru déshonorante. Aujourd’hui, ils apprennent à lire et à écrire, parce que les autorités russes n’admettent pas de réclamation qui ne soit faite par écrit, et aussi parce qu’on ne peut entrer sans cela au service militaire. » Le clergé d’Imérétie est aussi riche que celui de Géorgie. Quant à ses lumières, il suffit de dire qu’il excita une insurrection en 1820, parce qu’un évêque géorgien vint de la part du gouvernement pour dresser l’état des biens ecclésiastiques de la province. Comme cette mesure devait s’étendre aux propriétés des princes et de la noblesse, le clergé chercha à persuader qu’on n’enregistrait ces biens que pour les enlever à leurs possesseurs. Il résulta de là un soulèvement qui fit verser beaucoup de sang. Il fallut envoyer cinq mille hommes, auxquels les insurgés opposèrent une vigoureuse résistance, et qui ne purent rétablir l’ordre qu’après avoir perdu beaucoup de monde. Les Imérétiens sont restés tranquilles depuis ce temps, et, s’il faut en croire M. Eichwald, ils sont fort attachés à la Russie.

À l’ouest de l’Imérétie est la Mingrélie, qui descend jusqu’à la mer Noire. Les habitans de ce pays sont d’origine géorgienne, mais ils parlent un dialecte fort différent de celui de leurs voisins. La Mingrélie est l’ancienne Colchide, si célèbre par l’expédition des Argonautes. Lorsqu’elle était dépendante de la Géorgie, on l’appelait Sa-Dadiano, parce qu’elle était toujours gouvernée par le grand