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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

tection de la Russie ; il étendit son pouvoir jusqu’au Kour, et les khans de Bakou et de Chamakhi devinrent ses tributaires. Son fils Schikh-Ali-Khan reconnut aussi la suzeraineté russe. Lorsqu’en 1795, Catherine II déclara la guerre à la Perse et envoya en Daghestan le comte Valérien Zoubof, Derbend refusa de lui ouvrir ses portes et il fallut l’emporter d’assaut. Schikh-Ali-Khan et sa famille y furent faits prisonniers. Lorsque Paul Ier, qui aimait à faire le contraire de ce qu’avait fait sa mère, rappela ses troupes des provinces caucasiennes, il rendit à Schikh-Ali la dignité de khan de Derbend et de Kouba. En 1806, celui-ci s’associa aux complots du khan de Bakou, l’assassin du général Tsitsianof. Des troupes russes, envoyées pour punir l’un et l’autre, parurent sous les murs de Derbend, et les habitans de cette ville chassèrent leur khan. Depuis ce temps la province de Derbend, sa capitale exceptée, est sous la domination du chamkal de Tarkou. Derbend est administrée par un divan que préside le commandant de la place ; il se compose de deux Tartares des premières familles et d’un Arménien de la classe des marchands, plus, deux mirzas[1], dont l’un sert de greffier, l’autre d’interprète. Depuis l’établissement de ce divan, il y a beaucoup plus d’ordre dans la ville. Autrefois il ne se passait guère de jour sans qu’un Tartare fût poignardé par un autre, et personne ne faisait attention à ces meurtres. Aujourd’hui ils sont sévèrement recherchés et punis.

« Les Tartares de Derbend, dit M. Eichwald, sont satisfaits du gouvernement russe ; ils n’ont à payer qu’une capitation de six roubles d’argent (environ vingt-quatre francs) ; du temps de leurs khans, outre qu’ils payaient également un impôt annuel, ils ne pouvaient jamais être sûrs que le prince ne s’emparerait pas de tout leur bien. Ils s’insurgèrent pourtant, il y a environ six ans, lorsque les Tchetchenzes et les Lesghis surprirent quelques forts russes ; mais ils furent bientôt réduits à l’obéissance. Ce peuple, comme tous ceux du Caucase, est extrêmement inconstant et il est toujours à craindre que de semblables désordres ne se renouvellent ; aussi, lors du dernier soulèvement des Tchetchenzes, le commandant de la place avait l’ordre de prendre les mesures les plus sévères pour maintenir la tranquillité dans la ville et dans les environs. »

Le Daghestan est borné au midi par le Chirvan, où se trouve Bakou, la ville de commerce la plus importante après Astrakan, que les Russes possèdent sur la mer Caspienne. Son port, défendu contre presque

  1. Les Persans appellent mirza quiconque sait écrire.