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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L'ASIE OCCIDENTALE.

téger la ville contre les montagnards. Les plus redoutables de cette partie du Caucase sont les Tchetchenzes, dont les incursions désolent le territoire du chamkal. Ils ont plus d’une fois prêté serment de fidélité à l’empereur ; mais ils le violent sans scrupule à la première occasion, et laissent peu de relâche aux troupes du Daghestan et à celles de la ligne du Terek. Peu de temps avant le voyage de M. Eichwald à Tarki, un de leurs moullahs avait poignardé deux généraux russes près desquels il s’était introduit comme chargé par ses compatriotes de traiter de la paix. Cet évènement ayant vivement frappé les esprits, Yermolof s’était aussitôt transporté de Tiflis dans le Daghestan, et avait pénétré dans les montagnes des Tchetchenzes, plus loin que personne ne l’avait encore fait. Il y resta neuf mois, brûla tous leurs villages, et punit de mort les principaux auteurs du crime. Il les dompta ainsi et leur fit prêter serment de fidélité. Les Tchetchenzes, du reste, n’obéissent guère à leurs princes et ont plutôt une espèce de constitution républicaine, ce qui fait qu’il est très difficile de s’assurer de leur soumission, tandis que chez les Circassiens, par exemple, les princes ont une grande autorité sur leurs tribus.

Les chamkals de Tarki, dont la dignité prit naissance dans le VIIIe siècle, lorsque les Arabes étendirent leurs conquêtes sur les bords de la mer Caspienne, régnaient autrefois sur tout le Daghestan, et ils étaient considérés comme les plus puissans souverains du Caucase, après les rois de Géorgie. Les premiers rapports des chamkals avec la Russie eurent lieu en 1559. Quelquefois ils se mirent en hostilité avec elle ; quelquefois ils reconnurent la souveraineté des czars. En 1718, le chamkal Adeil-Ghiréi rendit de grands services à Pierre-le-Grand, et lui prêta serment de fidélité ; ce fut alors que le czar bâtit, sur les bords du Koisou, la forteresse de Sainte-Croix. En 1725, Adeil-Ghiréi, poussé par les Turcs, attaqua cette forteresse avec trente mille hommes ; mais il fut battu et fait prisonnier, et Pierre, qui s’était rendu maître de toutes les côtes de la mer Caspienne, supprima la dignité de chamkal. Toutes les provinces persanes ayant été restituées dix ans plus tard par la Russie, Nadir-Chah rétablit cette dignité dans la personne du prince Koumouk-Kaspoulat. En 1786, Mourtazami, fils de celui-ci, se soumit à la Russie et lui resta fidèle jusqu’à sa mort. C’était son neveu Mekhti qui régnait en 1825. Il avait le rang de lieutenant-général, était décoré de plusieurs ordres russes et touchait en outre une pension. Il était vassal de l’empereur, mais jouissait seul des revenus du pays, et ne payait aucune redevance. Après sa mort, son territoire devait être incorporé à l’empire.