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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L’ASIE OCCIDENTALE.

un peu forts de remonter aussi haut qu’ils le faisaient autrefois. Astrakan n’en est pas moins le port de commerce le plus important qu’ait la Russie sur la mer Caspienne. La marine impériale n’a pas besoin d’entretenir, sur cette mer, un matériel considérable, parce que le pavillon russe est le seul qui y flotte ; mais, s’il était utile d’y faire des armemens, le chantier d’Astrakan en fournirait facilement les moyens.

M. Eichwald quitta cette ville le 7 mai 1825 ; mais il ne put commencer son périple que le 22 juin, parce que la corvette qui le portait fut retenue jusque-là, par les vents contraires et le manque d’eau, sur un banc de sable qui se trouve en face de l’embouchure du Volga. Nous ne l’accompagnerons point pas à pas dans son voyage ; nous suivrons même un autre ordre que celui de ses diverses excursions, pour résumer avec plus de clarté les renseignemens qu’il donne sur les diverses contrées qui bordent la mer Caspienne. Nous commencerons par celles qui appartiennent à ce vaste ensemble de pays fort mal connus qu’on appelle Tartarie indépendante.

À l’orient de la mer Caspienne s’étend une steppe élevée, entrecoupée de montagnes stériles, et habitée par des Kirghis et des Turcomans nomades. Cette steppe est la route de l’Inde, et c’est là ce qui la rend intéressante aux yeux de la Russie. Des bords de la mer Caspienne à Khiva, il n’y a pas cent cinquante lieues. De Khiva, en remontant le cours de l’Oxus, on arrive par Boukhara et par Balkh, l’ancienne capitale de la Bactriane, aux montagnes qui dominent la vallée de l’Indus. On sait que c’est par la Bactriane qu’Alexandre entra dans l’Inde. Pierre-le-Grand, en 1717, voulut s’emparer de Khiva, et y envoya trois mille hommes sous les ordres du prince Bekowitz. Cette expédition eut une issue malheureuse, et le czar n’eut pas le temps de la renouveler. Mais aujourd’hui il ne serait pas difficile aux Russes de se rendre maîtres de Khiva, s’il est vrai, comme le dit M. Gamba dans son Voyage dans la Russie méridionale, qu’au commencement de ce siècle un parti de Cosaques des bords de l’Oural pénétra jusqu’à cette ville et s’en empara sans en avoir reçu l’ordre. Le gouvernement, ne jugeant pas le moment venu, força ces Cosaques de revenir dans leurs stanitzes. Un publiciste anglais, fort hostile au cabinet de Saint-Pétersbourg, assure qu’en 1830 il se préparait à faire la conquête de Khiva, et qu’on avait déjà réuni, dans ce but, des troupes à Orenbourg, quand la révolution de Pologne força de leur donner une autre destination[1]. Quoi qu’il en soit de l’exactitude de cette assertion,

  1. Progrès et position naturelle de la Russie en Orient, pag. 159.