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guère comment il pourrait être, sous ce rapport, plus intéressant et plus instructif.

La principale ville des pays qui avoisinent la mer Caspienne est Astrakan. Cette ancienne capitale d’un royaume tartare n’est pas une nouvelle conquête de la Russie : elle faisait déjà partie de l’empire sous Pierre-le-Grand, qui y avait formé un établissement maritime considérable. Entourée de steppes incultes, elle n’en a pas moins une admirable position, parce qu’elle est assise sur le Volga, fleuve immense qui est comme la grande artère de l’empire russe. Le Volga a huit cents lieues de cours navigable ; il communique avec Saint-Pétersbourg et la mer Baltique par des canaux et des lacs, avec la mer Noire par le Don, dont il s’approche jusqu’à quinze lieues ; il touche aux frontières de la Sibérie par la Kama, son principal affluent, et, après avoir arrosé les provinces les plus populeuses et quelques-unes des villes les plus importantes de la Russie centrale, il vient enrichir Astrakan par la fabuleuse quantité d’énormes poissons qu’il fournit à ses pêcheries. Astrakan est le point de contact de l’Europe avec l’Asie supérieure ; aussi cette ville, qui, sur ses 45,000 habitans, compte à peine 20,000 Russes, a-t-elle une physionomie tout orientale. Des Tartares, des Arméniens, des Persans, y ont fixé leur demeure ; des Boukhares, des habitans de Khiva, des Turcomans, y viennent vendre leurs marchandises ; des Kalmouks ont leurs tentes en dehors de la ville. Une partie du commerce s’y fait par les caravanes, et l’on voit souvent des files de chameaux passer dans les rues. On trouve à Astrakan jusqu’à des marchands indous, qui y font même des affaires assez considérables. En fait d’Européens, on y voit principalement des Français, des Allemands et des Anglais : il y a aussi des juifs ; « mais, dit M. Eichwald, ils n’y font pas fortune, parce que les Arméniens sont des concurrens trop redoutables sous le double rapport de l’activité commerciale et de la mauvaise foi. » Le commerce d’Astrakan est considérable, quoique bien moindre qu’il ne pourrait être ; ce n’est guère, jusqu’à présent, qu’un commerce de commission. Les Persans et les Arméniens établis dans cette ville reçoivent les marchandises qu’on leur expédie de la Boukharie ou de la Perse, et les transportent à la fameuse foire de Nijnéi Novgorod, où ils les échangent contre les produits européens et russes les plus demandés dans l’intérieur de l’Asie. Malheureusement pour Astrakan, le lit du Volga devient moins profond d’année en année ; le sable qu’il entraîne avec lui en très grande quantité s’amasse en divers endroits, et forme des bancs qui gênent beaucoup la navigation et empêchent les bâtimens