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ÉTABLISSEMENS RUSSES DANS L'ASIE OCCIDENTALE.

pienne, dont Pallas, Guldenstædt et Gmelin n’avaient visité que quelques points, et sur laquelle ils n’avaient donné que tout juste assez de notions pour en faire désirer de plus étendues et de plus complètes. Au commencement de l’année 1825, l’empereur Alexandre donna ordre au général Yermolof, gouverneur des provinces caucasiennes, de mettre à la disposition du savant professeur le meilleur bâtiment de l’escadre de la mer Caspienne, et de lui procurer tous les secours dont il pourrait avoir besoin dans le cours de son voyage. M. Eichwald partit de Cazan au commencement de mars, accompagné de sa jeune femme, qui voulut partager les fatigues et les dangers qu’allait affronter son mari, et d’un étudiant, son beau-frère. Arrivé à Astrakan, il y fut fort bien accueilli par le général Orlofski, commandant de la flotte de la mer Caspienne, qui avait fait préparer pour lui le plus fort navire qu’il y eût sur cette mer, une corvette de seize canons et de cent hommes d’équipage. Malheureusement le professeur avait envoyé à l’autorité supérieure un plan de voyage qui avait été approuvé et que dès-lors il ne lui fut plus permis de modifier. Le capitaine de la corvette avait ordre de se conformer au plan que le professeur, sans prétendre s’enchaîner ainsi, avait esquissé dans son cabinet : on devait le conduire aux endroits désignés dans cet écrit, non ailleurs. Il eut beau représenter qu’il avait fait son projet primitif d’après certaines suppositions qui ne se trouvaient pas réalisées, qu’on partait plus tard qu’il ne l’avait cru, que les circonstances n’étaient pas celles qu’il avait prévues, etc. ; le général Orlofski fut inflexible : comme le soldat qui ne connaît que sa consigne, il avait pris au pied de la lettre la décision administrative qu’il était chargé d’exécuter, et rien ne put le faire revenir à une interprétation plus large. Ce premier contre-temps fut suivi de quelques autres. La corvette l’Hercule, à bord de laquelle se trouvait M. Eichwald, était trop pesante et avait besoin d’une trop grande masse d’eau pour pouvoir s’approcher beaucoup de la plupart des côtes ; il fallut, à cause de cela, renoncer à plusieurs explorations intéressantes. Puis le vent fut souvent contraire, la mer quelquefois orageuse ; des instrumens se brisèrent, des échantillons se perdirent ; enfin il y eut toute sorte d’accidens qu’énumère le savant allemand pour s’excuser de ce que sa moisson n’est pas plus abondante. Toutefois, M. Alexandre de Humboldt ayant insisté pour que son ouvrage fût publié et s’étant même chargé de lui trouver un éditeur, on peut être rassuré sur la valeur du voyage de M. Eichwald, en tout ce qui touche l’histoire naturelle et la géologie. Pour nous, qui ne l’examinerons qu’au point de vue politique et historique, nous ne voyons