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DE L’AMÉRIQUE DU SUD.

rait pas tardé à s’y déterminer. On avait déjà établi des rapports officiels avec tous les états indépendans de l’Amérique du sud, par l’envoi d’inspecteurs du commerce en premier lieu, et ensuite par la nomination de consuls-généraux, régulièrement accrédités auprès de leurs gouvernemens. Ce qui restait à faire, c’était donc de donner à ces rapports un caractère politique. L’insuccès du dernier effort tenté par l’Espagne pour reconquérir la plus belle de ses anciennes possessions (l’expédition de Barradas au Mexique, en août 1829), avait dû démontrer à l’Espagne elle-même que le continent de l’Amérique était perdu pour elle sans retour ; et, si la mère-patrie, dans son aveugle orgueil, conservait encore une lueur d’espérance, tous les autres cabinets de l’Europe, qui n’avaient pas les mêmes raisons d’amour-propre national pour fermer les yeux à l’évidence, ne pouvaient désormais partager ses illusions. Aussi est-il bien certain que le gouvernement de la restauration n’aurait plus résisté long-temps à une nécessité plus pressante de jour en jour, et qu’au moment de sa chute, la reconnaissance formelle des nouvelles républiques, par la France, n’était pas bien éloignée.

Les opinions et les hommes que la révolution de juillet porta au pouvoir avaient trop blâmé les lenteurs et le mauvais vouloir de la restauration envers l’Amérique affranchie de la domination espagnole, pour ne pas y mettre aussitôt un terme ; et dès que la pensée du nouveau gouvernement cessa d’être entièrement absorbée par les travaux d’organisation intérieure, elle se porta sur l’état de nos relations avec ces pays lointains, pour les régler définitivement par la reconnaissance formelle de leur indépendance. Ce fut sous le premier ministère de M. Molé que s’accomplit ce grand acte. Il était réservé au même ministre, qui avait alors montré la France si bienveillante et si libérale, de diriger huit ans après l’emploi de ses forces pour obtenir du Mexique et de Buenos-Ayres des réparations que ces deux gouvernemens n’auraient jamais dû contraindre la France à exiger.

Les États-Unis, l’Angleterre et les Pays-Bas avaient pris la même résolution plusieurs années avant la France : les États-Unis, dès que l’existence politique de la Colombie eut été définitivement assurée par les dernières victoires de Bolivar et organisée par les congrès ; l’Angleterre, peu après notre expédition de 1823 en Espagne, mais moins par représailles de cette expédition, comme on l’a trop dit, que pour obéir à des intérêts généraux et supérieurs dont la voix ne pouvait être plus long-temps méconnue. Or, il y avait dans ces reconnais-