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lon leurs clauses et conditions loyalement observées par les cinq puissances, la Belgique ne devait à l’avenir rien craindre de la Hollande. La citadelle d’Anvers revenait sans effort ultérieur des Belges à la ville affranchie d’un redoutable voisinage. Les terres noyées se trouvaient promptement restituées à l’agriculture ; le pays était dispensé de toute levée extraordinaire de troupes et de fonds pour solder une armée hors de proportion avec ses ressources financières. Aucun de ces avantages ne suivit le traité. Instruite de quelle manière la diplomatie appréciait les conventions précédentes, l’armistice conclu sur la demande de MM. Cartwright et Bresson, ainsi que les préliminaires de paix réglés à Londres avec le prince élu roi, la Belgique dut se mettre en garde et porter son armée à cent dix mille hommes ; elle se vit même dans la nécessité de déclarer qu’elle allait tenter par ses propres forces l’attaque de la citadelle qui se couvrait en permanence d’une vaste et déplorable inondation étendue entre Anvers et Gand au cœur du royaume, sans que les puissances fissent aucun mouvement sérieux pour déterminer la cessation de ce fléau. La crainte d’une reprise d’hostilités flagrantes, dont la France et l’Angleterre ne voulaient pas, décida leurs gouvernemens à des mesures coërcitives envers la Hollande ; et la Belgique fut enfin délivrée en décembre 1832 de la présence de l’ennemi qui menaçait constamment de destruction sa première ville commerciale et maritime. Immédiatement après cet acte positif, l’œuvre complète de pacification appuyée du concours efficace de la Prusse, de l’Autriche et de la Russie, pouvait encore motiver la cession des districts destinés à perdre leur nationalité pour une cause de force majeure, pour une cause semblable à celle qui dévoue au fer de l’ennemi un régiment, afin de sauver l’armée. Cependant les inondations autour des forts de l’Escaut occupés par les Hollandais, continuèrent à rendre stérile un sol fécond, et à exposer aux plus graves dangers les territoires circonvoisins. Le péril d’une agression brusque, que la ferme volonté des cinq puissances, signataires des 24 articles, eût entièrement écarté, continua à inquiéter la Belgique, la tenant toujours sur le qui vive, l’obligeant à réunir sous les armes une foule d’hommes nécessaires à l’industrie et à leurs familles, charge bien pesante à tous ceux qui en souffrirent les pénibles effets. Était-ce là réellement l’exécution des 24 articles ? Et lorsqu’en 1838, il plaît au roi de Hollande de les accepter, serait-il juste que le roi des Belges adoptât purement et simplement les mêmes conditions, soit territoriales, soit financières, qu’il subissait en 1831, époque où déjà les 18 articles constituaient son droit acquis vis-à-vis des cinq puissances.

L’auteur de la lettre sur les affaires extérieures accorde, il est vrai, à la Belgique, une réduction notable de la part que lui impose le traité dans les charges du royaume des Pays-Bas. Pourquoi sa haute justice en faveur de l’argent ne descend-elle pas jusqu’aux hommes ? Ainsi trois cent mille Belges, habitans du Luxembourg et du Limbourg, seraient moins humainement considérés que les écus frappés à la monnaie de Bruxelles. Une partie d’entre eux fut marquée fictivement du signe de servitude qui, sous l’apparence