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REVUE. — CHRONIQUE.

conduit l’armée hollandaise aux portes de Bruxelles. Maintenant que la Belgique et le pays de Liége, dont l’ancienne indépendance s’oubliait à la suite de guerres et de transactions variables qui les avaient livrés d’abord à la république française, puis à la maison d’Orange, ont reconquis un rang parmi les nations libres, si une dynastie légitimement élue règne sur le pays entier, Luxembourg et Limbourg compris, depuis huit ans, c’est parce que la Hollande a rejeté complètement le traité du 15 novembre, c’est parce que les puissances garantes de ce traité n’en ont point amené l’exécution telle qu’elle était stipulée. De bonnes raisons peut-être déterminèrent les délais dont la Belgique est en droit de profiter. Que personne n’ait eu tort, hors le roi de Hollande, je l’admettrai si l’on veut ; mais sept années de retard établissent un fait important, et les faits ont toujours eu la plus grande influence sur les choses réglées par les traités. De même que le temps fortifie les racines d’un jeune arbre, il consolide les nationalités naissantes ou renaissantes : la Belgique de 1838 n’est plus la Belgique de 1831. Elle a vécu : personne ne biffera de l’histoire les œuvres de sa vie nouvelle. La Hollande disait aux Belges en 1815, et encore en 1830 : « Vous êtes incapables d’occuper les emplois publics de premier ordre ; vous ne possédez point d’administrateurs en état d’être ministres du trésor, des travaux publics, de la guerre. » La Hollande ne leur permettait pas de se former par l’expérience. Eh bien ! ils l’ont acquise aujourd’hui. Malgré tous les embarras d’une position incertaine, ils ont créé des communications plus belles qu’aucun peuple sur le continent. Ils ont rendu à la culture des terres immenses livrées aux flots par leurs ennemis ; ils ont fondé le crédit national, organisé des moyens de défense militaire qui se développeront avec les années. Le partage de la Belgique, possible en 1831, ne l’est plus en 1838. Aussi, bien qu’il ne lui convienne pas de s’écrier avec orgueil comme le général de l’armée d’Italie lors du traité de Campo-Formio, que la république française n’avait pas besoin d’être reconnue, la Belgique peut dire plus modestement : « Je suis reconnue. Mon baptême d’admission parmi les peuples ne sera point effacé. Si vous coupez les membres qui m’appartiennent depuis des siècles, je compterai avec une juste rigueur la dilapidation des magnifiques domaines que respectèrent la république française et l’empire, et que vendit à son profit le gouvernement de la Hollande. Je lui laisserai en entier le grand livre de la dette publique, auquel mon tribut est payé, si la violence m’enlève trois cent mille Belges. » Car, monsieur, malgré son habileté, l’auteur de la lettre sur les affaires extérieures ne prouvera jamais qu’un traité accepté en novembre 1831 pour être exécuté dès le mois de décembre suivant, quant à sa partie financière et à l’évacuation réciproque des territoires, conserve sa force obligatoire absolue en 1838 dans ce qu’il a de plus pénible, c’est-à-dire l’abandon de régnicoles cédés, non pas à l’étranger neutre, mais à l’étranger hostile lorsque des circonstances malheureuses commandaient un si dur sacrifice. En vain se prévaudrait-on de la prise de la citadelle d’Anvers en 1832. Cette prise, comme elle s’est accomplie, n’était point l’exécution franche du traité des 24 articles. Se-