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LA DUCHESSE DE PALLIANO.

faire à la duchesse, elle a résisté aux séductions de la cour et à l’entraînement de la position brillante que nous avions à Rome ; les princes les plus aimables, et le duc de Guise lui-même, général de l’armée française, y ont perdu leurs pas, et vous voulez qu’elle cède à un simple écuyer ? »

Le malheur voulut que le duc, s’ennuyant beaucoup à Soriano, village où il était relégué, et qui n’était qu’à deux petites lieues de celui qu’habitait sa femme, Diane put en obtenir un grand nombre d’audiences, sans que celles-ci vinssent à la connaissance de la duchesse. Diane avait un génie étonnant ; la passion la rendait éloquente. Elle donnait au duc une foule de détails ; la vengeance était devenue son seul plaisir. Elle lui répétait que presque tous les soirs Capecce s’introduisait dans la chambre de la duchesse sur les onze heures, et n’en sortait qu’à deux ou trois heures du matin. Ces discours firent d’abord si peu d’impression sur le duc, qu’il ne voulut pas se donner la peine de faire deux lieues à minuit pour venir à Gallese, et entrer à l’improviste dans la chambre de sa femme.

Mais un soir qu’il se trouvait à Gallese, le soleil était couché, et pourtant il faisait encore jour, Diane pénétra tout échevelée dans le salon où était le duc. Tout le monde s’éloigna ; elle lui dit que Marcel Capecce venait de s’introduire dans la chambre de la duchesse. Le duc, sans doute mal disposé en ce moment, prit son poignard et courut à la chambre de sa femme, où il entra par une porte dérobée. Il y trouva Marcel Capecce. À la vérité, les deux amans changèrent de couleur en le voyant entrer ; mais, du reste, il n’y avait rien de répréhensible dans la position où ils se trouvaient. La duchesse était dans son lit occupée à noter une petite dépense qu’elle venait de faire ; une camériste était dans la chambre ; Marcel se trouvait debout à trois pas du lit.

Le duc furieux saisit Marcel à la gorge, l’entraîna dans un cabinet voisin, où il lui commanda de jeter à terre la dague et le poignard dont il était armé. Après quoi le duc appela des hommes de sa garde, par lesquels Marcel fut immédiatement conduit dans les prisons de Soriano.

La duchesse fut laissée dans son palais, mais étroitement gardée.

Le duc n’était point cruel ; il paraît qu’il eut la pensée de cacher l’ignominie de la chose pour n’être pas obligé d’en venir aux mesures extrêmes que l’honneur exigerait de lui. Il voulut faire croire que Marcel était retenu en prison pour une tout autre cause, et prenant prétexte de quelques crapauds énormes que Marcel avait achetés à