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LIVINGSTON.

En effet, le livre de M. Livingston, pourvoyant en général à la défense de la société avec le sentiment de la justice, procédant à la poursuite du crime avec le respect du droit, recherchant la preuve des faits avec le goût de la vérité et le besoin de la certitude, et punissant les coupables avec le désir de leur réforme, se recommande à l’attention des philosophes comme un beau système d’idées, et à l’usage des peuples comme un vaste code de règles.

Ce grand travail venait d’être terminé. M. Livingston, nommé de nouveau membre du congrès des États-Unis, s’était rendu à New-York pour l’y faire imprimer. Une nuit, après avoir soigneusement relu son manuscrit avant de le livrer à l’impression, vaincu par le sommeil, il le laisse sur une table de marbre. À son réveil, il ne retrouve plus que des cendres. Le feu avait tout consumé. Les lentes conceptions de son esprit et ses espérances de gloire étaient détruites en même temps. Ce que M. Livingston ressentit à cette grande perte, tout le monde peut l’imaginer ; mais personne ne l’aperçut. Les âmes faibles regrettent, les volontés vigoureuses réparent. M. Livingston se remit au travail le jour même, et, en moins de deux ans, son code entièrement refait parut tel que nous le possédons[1]. Ici je ne sais s’il ne faut pas plus admirer encore en M. Livingston la force de caractère qui lui fit recommencer son œuvre, que la force d’esprit qui la lui fit entreprendre.

La publication de ce vaste système de lois consacra la renommée de M. Livingston dans sa patrie, et la répandit dans le monde entier. Le Brésil prit le code de M. Livingston pour base de sa législation. La république de Guatimala n’hésita même point à l’adopter. Dans le vieux continent, meilleur juge encore en matière de lois et d’esprit, M. Livingston recueillit des hommages universels. L’opinion européenne le compta au nombre des législateurs philosophes, et votre académie, dès qu’elle fut rétablie, s’empressa de lui témoigner toute l’estime qu’elle portait à ses travaux, en le nommant l’un de ses cinq associés étrangers. M. Livingston se montra glorieux d’avoir partagé avec son illustre compatriote Thomas Jefferson l’honneur d’appartenir à l’Institut de France.

Le congrès américain lui-même, frappé du mérite que présentait le code destiné à la Louisiane, chargea M. Livingston de préparer un code spécial pour toutes les cours fédérales des États-Unis. Ces cours

  1. Ce système de lois pénales, comprenant quatre codes, un livre de définitions et des introductions à chaque code, est écrit en anglais, et a été traduit en français par M. Jules D’Avezac, président du collége de la Nouvelle-Orléans.