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LA DUCHESSE DE PALLIANO.

un grand nombre de villages et de petites villes. Don Carlos, le second des neveux de sa sainteté, était chevalier de Malte et avait fait la guerre ; il fut créé cardinal, légat de Bologne et premier ministre. C’était un homme plein de résolution ; fidèle aux traditions de sa famille il osa haïr le roi le plus puissant du monde (Philippe II, roi d’Espagne et des Indes), et lui donna des preuves de sa haine. Quant au troisième neveu du nouveau pape, don Antonio Caffara, comme il était marié, le pape le fit marquis de Montebello. Enfin il entreprit de donner pour femme à François, dauphin de France et fils du roi Henri II, une fille que son frère avait eu d’un second mariage ; Paul VI prétendait lui assigner pour dot le royaume de Naples, qu’on aurait enlevé à Philippe II, roi d’Espagne. La famille Caffara haïssait ce roi puissant, lequel, aidé des fautes de cette famille, parvint à l’exterminer, comme vous le verrez.

Depuis qu’il était monté sur le trône de saint Pierre, le plus puissant du monde, et qui, à cette époque, éclipsait même l’illustre monarque des Espagnes, Paul VI, ainsi qu’on l’a vu chez la plupart de ses successeurs, donnait l’exemple de toutes les vertus. Ce fut un grand pape et un grand saint ; il s’appliquait à réformer les abus dans l’église et à éloigner par ce moyen le concile général, qu’on demandait de toutes parts à la cour de Rome, et qu’une sage politique ne permettait pas d’accorder.

Suivant l’usage de ce temps trop oublié du nôtre, et qui ne permettait pas à un souverain d’avoir confiance en des gens qui pouvaient avoir un autre intérêt que le sien, les états de sa sainteté étaient gouvernés despotiquement par ses trois neveux. Le cardinal était premier ministre et disposait des volontés de son oncle ; le duc de Palliano avait été créé général des troupes de la sainte église ; et le marquis de Montebello, capitaine des gardes du palais, n’y laissait pénétrer que les personnes qui lui convenaient. Bientôt ces jeunes gens commirent les plus grands excès ; ils commencèrent par s’approprier les biens des familles contraires à leur gouvernement. Les peuples ne savaient à qui avoir recours pour obtenir justice. Non-seulement ils devaient craindre pour leurs biens, mais, chose horrible à dire dans la patrie de la chaste Lucrèce, l’honneur de leurs femmes et de leurs filles, n’était pas en sûreté. Le duc de Palliano et ses frères enlevaient les plus belles femmes ; il suffisait d’avoir le malheur de leur plaire. On les vit, avec stupeur, n’avoir aucun égard à la noblesse du sang, et, bien plus, il ne furent nullement retenus par la clôture sacrée des saints monastères. Les peuples, réduits au désespoir, ne savaient à qui faire parvenir leurs plaintes, tant était