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LA DUCHESSE DE PALLIANO.

L’amour est-il le même à Marseille et à Paris ? Tout au plus peut-on dire que les pays, soumis depuis long-temps au même genre de gouvernement, offrent dans les habitudes sociales une sorte de ressemblance extérieure.

Les paysages, comme les passions, comme la musique, changent aussi dès qu’on s’avance de trois ou quatre degrés vers le nord. Un paysage napolitain paraîtrait absurde à Venise, si l’on n’était pas convenu, même en Italie, d’admirer la belle nature de Naples. À Paris nous faisons mieux, nous croyons que l’aspect des forêts et des plaines cultivées est absolument le même à Naples et à Venise, et nous voudrions que le Canaletto, par exemple, eût absolument la même couleur que Salvator Rosa.

Le comble du ridicule, n’est-ce pas une dame anglaise douée de toutes les perfections de son île, mais regardée comme hors d’état de peindre la haine et l’amour même dans cette île : Mme Anne Radcliffe donnant des noms italiens et de grandes passions aux personnages de son célèbre roman : Le Confessionnal des Pénitens noirs ?

Je ne chercherai point à donner des graces à la simplicité, à la rudesse quelquefois choquantes du récit trop véritable que je soumets à l’indulgence du lecteur ; par exemple, je traduis exactement la réponse de la duchesse de Palliano à la déclaration d’amour de son cousin Marcel Capecce. Cette monographie d’une famille se trouve, je ne sais pourquoi, à la fin du second volume d’une histoire manuscrite de Palerme sur laquelle je ne puis donner aucun détail.

Ce récit, que j’abrége beaucoup, à mon grand regret (je supprime une foule de circonstances caractéristiques), comprend les dernières aventures de la malheureuse famille Caffara, plutôt que l’histoire intéressante d’une seule passion. La vanité littéraire me dit que peut-être il ne m’eût pas été impossible d’augmenter l’intérêt de plusieurs situations, en développant davantage, c’est-à-dire en devinant et racontant au lecteur, avec détails, ce que sentaient les personnages. Mais moi, jeune Français, né au nord de Paris, suis-je bien sûr de deviner ce qu’éprouvaient ces ames italiennes de l’an 1559 ? Je puis tout au plus espérer de deviner ce qui peut paraître élégant et piquant aux lecteurs français de 1838.

Cette façon passionnée de sentir qui régnait en Italie vers 1559 voulait des actions et non des paroles. On trouvera donc fort peu de conversations dans les récits suivans. C’est un désavantage pour cette traduction, accoutumés que nous sommes aux longues conversations de nos personnages de roman ; pour eux une conversation est une