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DE LA QUESTION COLONIALE.

connues contraires à la loi organique du 24 avril 1833, comme l’ont affirmé tous les conseils coloniaux. En effet, cette loi a laissé dans le domaine de l’ordonnance royale les améliorations à introduire dans la condition des personnes non libres, en tant que ces améliorations seraient compatibles avec les droits acquis, c’est-à-dire les droits des maîtres. Or, voici que les maîtres, ne tenant nul compte de l’indemnité préalable qui leur est offerte, dès-lors qu’elle leur doit venir de leurs esclaves, déclarent que les droits acquis seraient violés par les ordonnances dont il s’agit, et que le pouvoir ministériel dépasserait les limites de ses attributions en gardant pour lui le réglement d’une matière si délicate. — Ici point de chicanes indignes de cette grande cause ; un seul mot suffit pour résoudre la question. Si l’ordonnance est incompétente, et nous ne le croyons pas encore, la loi du moins ne l’est pas. Les deux chambres et le gouvernement du roi, qui ont fait la loi fondamentale de 1833, peuvent bien, j’imagine, y ajouter un article qui fasse revivre l’ancien principe du pécule légal et du rachat forcé ; ils peuvent, ce principe une fois restauré, déléguer à l’ordonnance royale toute la latitude réglementaire qu’on lui refuse. Pour tout dire, ce n’est pas ainsi que l’entendent les conseils coloniaux, et s’ils plaident l’incompétence du ministère, c’est pour rester eux-mêmes et seuls arbitres ; mais tout le monde peut juger maintenant si leur prétention est acceptable, et s’ils tireraient de leur compétence tout ce que la métropole veut obtenir.

Par la loi donc, ou par l’ordonnance, qu’on avise pour le mieux ; mais que des bureaux du département de la marine on n’expédie plus de ces circulaires qui entretiennent les illusions des colons en leur promettant un système de temporisation impossible. L’argument qui domine tous les autres et reparaît sans cesse dans les délibérations coloniales, c’est qu’il faut attendre, c’est qu’il ne convient pas de rien hasarder avant l’accomplissement de l’expérience anglaise ; ce qui signifiera désormais qu’on veut savoir, avant de prendre un parti, comment les nouveaux libres, apprentis de 1834, élèveront leurs enfans et leurs petits-enfans ; car si l’on entend par la fin de l’expérience anglaise le jour où il n’y aura plus d’esclaves dans les colonies britanniques, ce jour est arrivé, c’était le 1er  août 1838. Les colons français, pour raisonner comme ils le font, n’ont pas eu besoin de rien inventer, ils n’ont eu qu’à se mettre à l’unisson des vues et des exemples politiques qui leur arrivaient de France ; voici ce que leur écrivait, le 25 août 1833, l’amiral de Rigny : « Le gouvernement du roi veut rester paisible spectateur des graves mesures que l’Angle-