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Les colons ont vainement réclamé pendant long-temps la faculté de percevoir trois pour cent ; ce n’était, au fond, que la demande d’un octroi comme on en autorise journellement en France, et même avec des tarifs plus élevés. Nous craignons ici que notre mémoire nous serve mal ; mais il nous semble qu’aucun acte officiel n’a encore donné satisfaction, sur ce point, aux justes doléances des conseils coloniaux.

Voici que nous abordons enfin le côté faible de ces conseils, le point où leurs délibérations sont vulnérables, et c’est à regret que nous le faisons ; ce sera avec ménagement. La détresse des populations qu’ils représentent nous est connue, leur irritation doit être grande.

Le gouvernement crut devoir, en 1836, soumettre aux conseils des quatre colonies la question de l’émancipation, en les avertissant qu’il ne serait disposé à entreprendre cette œuvre qu’autant qu’il se trouverait en mesure de garantir aux colons indemnité et sécurité. La proposition, sous cette forme générale, fut repoussée par tous les conseils, et quelques-uns ne daignèrent pas même lui accorder l’honneur d’une discussion ; mais des rapports, à défaut de débats, peuvent faire apprécier l’esprit qui dictait ce rejet offensant. Dans un de ces rapports (et nous ne voulons pas nommer la colonie qui a applaudi à une telle opinion), l’on déplore la position du conseil obligé de lutter contre la mauvaise foi des novateurs qui, sans mission, se posent comme les apôtres de l’humanité, veulent briser les institutions les plus respectables, introduire des doctrines exotiques… On les avertit, par une allusion à la réforme religieuse, que les premiers novateurs, qui ont été trop vite, ont encouru la peine du bûcher ; et l’on ajoute : Aux colonies, la loi de la sociabilité, c’est l’esclavage. Toutes mesures tendantes à y porter atteinte sont des symptômes de mort pour la constitution coloniale.

Pour plus de précision, le gouvernement avait formulé sa pensée réformatrice en deux projets d’ordonnances royales, qui furent expédiés, par une circulaire du 23 février 1836, à la Martinique, à la Guadeloupe, à Bourbon et à Cayenne, pour être soumis à l’examen de leurs conseils. L’un de ces projets tendait à consacrer un pécule légal des esclaves, et y rattachait d’ailleurs, par un lien naturel, l’institution de caisses d’épargne ouvertes à la même population ; l’autre reconnaissait aux esclaves le droit de rachat forcé, dans le cas où il leur serait impossible de se racheter à l’amiable et du consentement de leurs maîtres.

Nous voulons consigner ici les principales dispositions de ces deux