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DE LA QUESTION COLONIALE.

indien, à 4,000 lieues des écoles européennes, lui imposait la loi de faire plus de dépenses que les Antilles pour mettre à la portée de ses jeunes créoles une éducation qu’ils ne peuvent aussi facilement aller chercher au loin. Mais, en tenant compte même de cette différence qui n’échappe à personne, nous trouvons, dans la composition intérieure, dans la discipline et la pensée libérale des établissemens d’instruction publique à Bourbon, de quoi nous réjouir et féliciter la colonie.

Il y a à Saint-Denis, chef-lieu de l’île, un collége royal où l’éducation, si nous nous en rapportons à l’autorité du ministère de la marine, ne le cède en rien à celle que l’on reçoit dans les bons colléges de France ; il est exactement vrai qu’on y enseigne les mathématiques, la botanique, la chimie, la physique, la langue anglaise, l’histoire, le latin jusqu’à la rhétorique inclusivement, même le droit, depuis une ordonnance assez récente. Mais ce qui nous intéresse plus que toute cette science, naturalisée avec tant de luxe sous le tropique, c’est l’assurance qui nous est donnée que parmi les 157 élèves du collége de Saint-Denis, au commencement de 1837, se trouvait mêlé un assez grand nombre d’enfans de couleur, dont plusieurs sont cités comme s’étant distingués dans les concours de l’année précédente.

Un pensionnat de garçons à Saint-Paul, seconde ville de la colonie, et, dans diverses communes de l’île, 29 écoles primaires pour les garçons, et 24 pour les filles, complètent le système d’éducation publique de l’île Bourbon. Au 1er  janvier 1837, la totalité des élèves de ces différentes écoles et institutions s’élevait à 2,316, dont 1,486 garçons et 830 filles. Parmi ces institutions, on comptait 10 écoles communales entretenues aux frais de la colonie ou des communes, et, par conséquent, gratuites, ainsi que trois écoles dirigées par les frères de la doctrine chrétienne : les unes et les autres étaient fréquentées par beaucoup d’enfans de couleur, généralement confondus avec les jeunes créoles blancs.

On nous assure que les maisons confiées aux soins des frères se font remarquer par leur excellente tenue, et l’administration se félicite des bons résultats qu’elles produisent. Nous le croyons volontiers : mais, en consignant ici ce renseignement, il nous est impossible d’oublier qu’en 1825 un vieux planteur s’était acquis une célébrité grotesque à Bourbon par ses motions réitérées à chaque session du conseil général contre les frères de la doctrine chrétienne, qu’il fallait, disait-il, expulser du pays comme des hommes dangereux, faits pour égarer par excès de lumières les classes inférieures de la population