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libre de la même catégorie. À la Martinique, en 1835, sur 37,955 libres de toute couleur, il y avait 908 hommes, 1,400 femmes, en tout 2,308 individus au-dessus de soixante ans ; et sur 78,076 esclaves, il y avait 2,842 hommes, 3,169 femmes, total : 6,011 têtes. Pour les libres, c’est entre un seizième et un dix-septième ; pour les esclaves, c’est entre le douzième et le treizième du total de chacune des deux populations.

L’excédant des naissances sur les décès dans la population esclave, en cette même année 1835, a été de 224 : il y a eu 2,485 naissances et 2,261 décès. Il est consolant de reconnaître que la traite n’était qu’une immoralité dont on pouvait se passer.

Plaise à Dieu que la situation morale des esclaves devienne aussi satisfaisante ! Mais, jusqu’à présent, le signe le plus infaillible d’une moralité plus grande et d’une civilisation progressive, le mariage, n’est qu’une exception bien rare dans cette population abrutie. Il faut dire ce qu’on entend par ce mot de mariage, quand il s’agit d’esclaves qui, n’ayant point d’état civil, n’ont rien à faire inscrire sur les registres des municipalités ou de toute autre administration publique, même pour ce changement radical dans leur situation : le mariage, pour eux, n’est autre chose que l’union religieuse consacrée par l’église. Or, en 1835, la statistique officielle ne comptait encore que quatorze unions de ce genre, qui doivent être réparties sans doute sur un espace de plusieurs années : c’est un mariage sur 5,577 esclaves. La même statistique ajoute, il est vrai, sous une forme assez conjecturale, que le nombre réel de ces unions est supérieur à celui que peuvent constater les recensemens officiels ; mais elle convient que, malgré l’inexactitude plus que probable du chiffre indiqué, il est impossible de nier le peu de progrès qu’ont faits les noirs dans cette voie de moralisation, et elle déclare, comme nous, que la multiplication des mariages entre les esclaves est cependant le premier pas à faire pour arriver à la réforme de leurs mœurs et à l’amélioration de leur sort. Seulement soyez tranquilles et faites silence, le gouvernement s’en occupe ! À cela nous nous permettrons de répondre : Pourquoi n’a-t-on pas obtenu plus d’exactitude dans les recensemens sur un point qu’on reconnaît si essentiel ? pourquoi n’a-t-on pas fait ce premier pas depuis huit ans qu’on a annoncé, par de sages modifications consignées au Bulletin des Lois, une ère nouvelle aux colonies ? Comment, en 1838, ose-t-on présenter au public ce chiffre de quatorze mariages, seuls connus et certains ? Les colonies elles-mêmes ont reproché à l’administration sa lenteur, qui les com-