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DE LA QUESTION COLONIALE.

ses membres des hommes éminemment conservateurs, tels que MM. Guizot, de Rémusat, Berryer, vient d’émettre en propres termes l’avis que le principe de l’abolition de l’esclavage doit être proclamé immédiatement. Et par l’organe de son rapporteur, M. de Rémusat, dans un travail plein de raison, de gravité et de prévoyance politique, elle justifie sa conclusion par ces paroles, qu’on fera bien de méditer : « Ce qu’il y a de plus dangereux dans cette question, c’est l’incertitude ; elle entretient des espérances déraisonnables, elle entretient une inaction imprudente, elle peut exciter des passions dangereuses. Tant que le doute plane sur les intentions de la chambre, le gouvernement n’est pas très assuré des siennes ; il hésite, il flotte, il n’agit pas. Tant que le gouvernement n’est pas décidé, les autorités coloniales imitent, en l’outrant, son indécision, et les représentations coloniales ne s’attachent qu’à gagner du temps. »

Nous sommes heureux de pouvoir invoquer ici l’autorité d’une opinion parlementaire ; on a tant accusé la presse de légèreté, de malveillance, quand elle proposait timidement et dans un lointain avenir la même solution à ce périlleux problème social ; on a tant méconnu ses intentions généreuses et calomnié ses justes prévisions ! Aujourd’hui qu’elle doit être rassurée sur la sagesse de ses convictions, enfin admises et propagées dans la région positive des affaires, elle garde aux injures intéressées, si elles se renouvellent, une réponse qui les fera taire.

Nul doute que le gouvernement, averti de haut qu’il a trop perdu de temps, va s’appliquer à instruire, à moraliser les esclaves de nos colonies, à leur inspirer l’esprit de famille comme initiation aux droits de la cité. Si nous avons blâmé son attitude d’expectative trop prolongée, ce reproche ne s’adresse pas au ministère actuel particulièrement, il s’adresse à lui un peu moins qu’à d’autres ; car nous savons qu’au moment même où M. Emmanuel de Las-Cases était chargé, il y a dix mois, d’aller défendre auprès de la république d’Haïti les justes réclamations des colons dépossédés, il recevait la mission secrète d’observer l’état des choses et des esprits dans les Antilles françaises, pour en rapporter des faits et des lumières nouvelles au gouvernement qui reconnaît enfin la nécessité de reprendre une œuvre interrompue. On ne devait pas attendre moins de la vigilance du ministre qui préside le conseil, et il ne pouvait oublier qu’il avait autrefois tenu le portefeuille de la marine et des colonies, précisément à l’époque où se préparait par des négociations et s’accomplissait par les lois