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la réforme coloniale, il en est un dont nous n’avons encore rien dit ; c’est l’ordonnance du 4 août 1833, qui tend à obtenir le recensement exact et complet des esclaves. Le caractère d’une pareille mesure n’est pas douteux ; après l’abolition de la traite, cette ordonnance était nécessaire, et, sans elle, on peut même dire qu’il serait toujours impossible de reconnaître si la traite est réellement abandonnée. C’est donc la clôture du passé, et ce sera, si l’on veut, une revue générale de la population esclave, dans le but de dénombrer la multitude d’êtres humains qui végètent dans l’état de brutes, et de constater avec une certaine précision ce qu’il y a à faire pour les appeler à une vie nouvelle, à la liberté, à la civilisation. Même sous cet aspect favorable, on ne verra dans l’acte du 4 août 1833 qu’une trêve aux vieux abus, un point de départ pour une phase nouvelle, mais non pas une innovation qui modifie dans sa base l’ancien système. Au surplus, l’ordonnance sur les recensemens, d’abord mal accueillie par les colons et très faiblement exécutée par l’administration locale, n’a commencé à être vraiment en vigueur qu’en 1836. Et cependant elle pourrait être mieux observée encore ; nous oserons nous en plaindre avec une commission de la chambre des députés, et répéter après elle que la magistrature coloniale a mis trop de mollesse à réprimer les contraventions. Par malheur, cette magistrature se croit souvent obligée de concilier les usages ou les répugnances de nos îles avec les réglemens impératifs qui viennent de la métropole.

À travers les hésitations et les tiraillemens, l’idée d’une émancipation à tout prix, par la volonté de la loi, par le travail patient des esclaves, si la volonté des colonies, si la raison des maîtres est insuffisante, cette idée dont on ne s’était pas avisé de 1830 à 1833, dans tous les actes qui ont servi à déblayer tant d’abus déjà condamnés, a fait son chemin, et elle domine aujourd’hui tous les projets qu’on médite. Ne soyons pas surpris qu’elle ait été si lente à se faire jour et qu’elle ne soit même pas entièrement mûre pour la pratique. À l’époque où l’on se bornait, en France, aux améliorations transitoires que nous avons caractérisées, l’Angleterre ne s’était pas encore honorée par l’expérience hardie qui a étonné le monde. L’acte du parlement qui abolit à jamais l’esclavage dans les colonies anglaises, et le transforme en un apprentissage de quelques années, est daté du 28 août 1833, et son exécution a commencé le 1er  août 1834. À partir de ce jour, et même avant le succès de cette immense épreuve, il était évident pour tous qu’une nouvelle ère était ouverte. Voici qu’en 1838, une commission du parlement français, qui comptait parmi